dimanche, avril 29, 2007

La reliance est comme antécédante à elle-même

C'est un fait banal qu'on n'écoute que les gens qu'on aime bien. Mais pas forcément depuis longtemps avant qu'ils aient ouvert la bouche, ou simplement, avant même de parler, leur regard, leur sourire, leur tenue, et en moindre importance tous les signes qu'ils portent -- la reliance dont ils font preuve lorsqu'elle fait mouche chez nous, un fait, un lien, si rapide et si en deça-en du discours explicite que l'on n'a pas de peine à croire, sans même s'interroger, qu'il en a toujours été ainsi, et qu'il en ira probablement toujours de la même manière.

La représentation politique : encore pour longtemps ?

Erreur des sondages : la question de la représentation.

Ce qui justifie l'élection et le pouvoir d'un élu, c'est qu'il représente une majorité de suffrages exprimés.

Seulement, ce schéma pris à rebours, à partir de l'électeur, montre que chacun vote pour le candidat dans lequel il se reconnait le plus. Mais cette reconnaissance peut être infime, quand bien même : cette reconnaissance-là se passe de toute majorité et s'énonce en termes binaires, 0 ou 1, vote ou pas vote.

Ainsi, peut-être qu'un candidat est élu à 65%, mais si chaque électeur ne se reconnait qu'à 10 %, par exemple, dans le candidat pour lequel il a voté, cela change tout de suite la donne, et si je me rappelle bien mes cours de stats, ce qui n'est pas sûr du tout, on peut dire alors que le candidat a été élu à 6,5%...

D'où que la représentation permet d'utiliser le grand nombre au profit d'une poignée de personnes là du fait d'une tradition institutionnelle, du fait de leur mobilisation personnelle, mais on pourrait tout aussi bien désigner les candidats de manière aléatoire sur les listes des jurés potentiels en cour d'assises, par exemple.

Il est aberrant que les sondages, "marketing d'opinion" -- le marketing consistant à jouer le jeu d'un "système", et ne permet pas de le mettre en doute par quelque manière que ce soit --, ne parlent pas de cela. Mais je viens de dire que ce ne serait pas possible... question en débat.

samedi, avril 28, 2007

Ce que je n'aime pas chez Ségolène

Elle est nulle, celle-là. Comme si le problème était le chômage !

Il est bien plutôt qu'on n'a pas de tunes, que tout est trop cher, à commencer par les loyers.

Ah oui, vraiment ? C'est étrange, car il y a bien des gens qui ont réussi à vivre sans trop d'argent, semble-t-il...

C'est avec ce peu d'argent un manque de savoirs-faire : tout est doit être déjà tout fait, et cela coûte cher. A cause de ceux qui produisent ces produits tout-fais, mais aussi par le souhait de ceci, pour tous. Perte de savoirs-faire qui se transmettaient dans le cadre familial notamment, transmission fondée sur les divisions du travail social, laquelle repose sur la complémentarité entre les personnes, qui ne sont ainsi pas des individus ; les élites consommatrices des magazines de papier glace issus des années rebelles d'il y a quarante ne présentent pas un modèle accessible à tous. Ce qui s'est perdu, également, mais cela est conjoint, c'est l'intégration de ces savoirs-faire au sein d'un monde, que les individus bâtissent autour d'eux, ce qui signifie une culture, en général sédentaire.

Il en faut de l'argent pour un être un nomade sans qualité. Alors le modèle anglais, pour résoudre le chômage... travailler 60 heures par semaine dans deux ou trois emplois pour un salaire dont la majeure partie est engoufrée dans le loyer, faudra m'expliquer quel est le but, sinon précisément sédentariser davantage chacun, occuper l'esprit et le temps, de manière à reproduire autour de l'individu le maillage étroit qui était à une autre époque celui d'une communauté, ou ne serait-ce que d'une famille -- ie forcer toute la population à ce modèle issu des classes aisées, mais ici sous-tendu non pas par l'obligation pour échapper à la misère, mais par le développement de soi, les responsabilités acquises, les aspirations satisfaites, l'argent peut-être futur mais à profusion, en somme un horizon qui se dégage sur le futur, et non une prison reproduite sur la durée d'une vie, même sous des contrats courts chez différents employeurs, non un assujettissement si étroit qu'en sortir rien qu'un peu c'est risquer de toucher le fond dans les plus brefs délais, sans même la possibilité d'une révolte tant la police veille à cet ordre public.

Bref, cela reste sur des discours, et de vieux discours, qui n’intègrent même pas les données contemporaines, et encore moins les changements intervenus depuis pas mal de temps déjà (mais des nouvelles « solutions » justifiant la mobilisation politique, comme dirait Sloterdijkn jamais prise en défaut).

Dans le tram, samedi midi

Dans le tram comme ailleurs les intérieurs se soudent contre les extérieurs, s'ils n'y sont pas en confiance. En France, c'est souvent contre le pouvoir, s'il ne parvient pas à dessouder "le peuple".

La dame s'était assise à côté de moi. Personne ne s'assied à côté de moi, même sur le siège en diagonale des carrés de pose-culs, je pus probablement. Trop droit le dossier, les jambes appellent à une inclinaison, le bien-se-tenir est ici un peu trop carré, géométrie de l'espace. Moi j'avais mis les deux pieds sur le siège d'en face, en commençant par un ; c'est bien connu, quand on commence dans la déviance, après y'a pas plus de limite, surtout si la norme est particulièrement étroite (mais cela est fait précisément pour qu'elle soit respectée, n'est-ce pas, et puis par tous en plus, les dénominateurs communs).

La dame, avec son petit chariot au motif écossais pour faire les courses, et son Dauphiné Libéré (j'ai failli lorsqu'elle s'est assise lui emprunter, mais il semblait tout neuf), voulait peut-être seulement parler, je ne sais pas. Ce n'était sûrement pas la haine et la frustration qui se lisaient sur son visage, comme quoi le phénomène touche au-delà des gens habituellement étiquetés tels par les ados faiseurs de normes.

Elle me dit que ça dérange peut-être, là, que ça "gênerait" peut-être. Son discours n'était pas bien rôdé, j'ai même mis cinq secondes à comprendre que ce n'était pas une phrase banale parlant du temps ou de je ne sais quoi histoire d'engager innocemment la conversation, pour faire passer le temps, pour lier un peu avec les gens qui vont entourent, et ainsi vous font moins peur (oui, ce n'est pas moi qui vais parler ainsi avec qui que ce soit, je sais...).

Je l'ai peut-être faite répéter, voyant qu'aucun sourire ne s'ébauchait comme elle voyait que je ne comprenais pas (si c'est gentil, un très léger sourire s'ébauche), ou elle a répété toute seule, comme une grande. Elle dit que c'est peut-être sale, après, pour les gens qui s'asseyeront plus tard -- les "peut-être" s'adressant surtout à ma retranscription très approximative. Une distance s'est creusée, entre nous. Ah oui, je croyais que son reproche concernait la place que je pouvais prendre (elle semblait un peu déborder dans le vide, à vrai dire, mais non, sans être grosse du tout, elle occupait bien tout son siège, ou bien était-ce seulement ses jambes un peu inclinés dans le vide, marquant son territoire auprès de son chariot ?) -- parce que ses propos concernaient cela, la place que je prenais, que ça gênerait peut-être ; peut-être finalement voulait-elle dire que l'on ne vivre ensemble si l'on prend plus que la place qui nous est impartie, les tendances vaguement communistes rejoignant par ici la mise au pas sarkozyste.

Je fais un sourire forcé, déjà méchant. J'aurais préféré embrayer de suite sur des phrases qui passent au-delà de toute barrière et la touchent dans son intimité, la faisant s'épandre en toute confiance (comme Onfray avec Sarkozy, technique de sociologue... -- et pas du tout socratique, ça va de soi, il faudrait aller beaucoup plus loin pour cela, et à la fois apporter un changement, une prise de conscience (et donc "prendre au piège" d'un nouveau cadre à partir duquel avoir ce regard neuf), et à la fois ne pas avoir à faire un compte rendu qui ne visait dès le départ qu'à épingler pin -up, à la croix ou au mur, papier glace littéraire) ; j'aurais préféré, mais ce n'est pas possible -- je dirais peut-être : pas ici.

Je réponds que de toute façon c'est déjà sale, avec beaucoup d'acidité, et très inaudible, ne croyant pas à ce que je dis. Deux secondes puis : il faut faire moins d'un mètre soixante pour n'avoir pas à étaler ses jambes. Remarque très juste de sa part, sans rire pourtant : mais à moins d'un mètre soixante, les pieds ne touchent pas le sol, et donc il est tentant de les mettre, là, dit-elle en posant son pied pour la démonstration sur la partie grisée juste sous le plastique jaune et le début de l'assise (remarque de maintenant : la couleur est peut-être faite exprès, de même que le jaune : indiquer en partie grisée sur le schéma de l'environnement graphique (soit "la carte est le territoire", n'est-ce pas...), là où l'on peut mettre les pieds, justement, sans salir le plan d'ensemble ni provoquer un désordre de l'ordre public).

Je lui concède alors, comme quoi mon esprit ne cesse d'avancer malgré un défaut d'allumage et des kilomètres pour arriver au cent, que l'endroit est fait pour une taille normée, standardisé pour des humains idéaux qui bizarrement ne se présentent jamais, ou rarement, sans même dire que dans bien des cas, par exemple lorsque vous avez une capuche sur la tête et un mp3 dans les oreilles, un autre rapport au lieu vous semble souhaitable, vos jambes bien repliées très sages valant signe d'acceptation dans le repli, les déplier signant implicitement votre mécontentement toutefois silencieux et sinistre.

Je me suis dit qu'on a vraiment peu de choses à partager, tous les deux, mais enfin, qu'on aurait tout de même pu les partager. Pas grand-chose, parler un peu (il y a tellement de gens comme moi qui n'ouvrent jamais la bouche, comme la fille peut- être jolie là-bas, de dos, qui elle aussi, comme tous les autres, a tendu l'oreille au cours de notre petit débat).

Puis je me dis que dans un intérieur qui ne met pas en confiance, on ne peut que s'entretuer, ou alors se souder contre un extérieur, en l'occurrence un "ils", les constructeurs du lieu, ou toute autre personne, privée ou morale, ou même phantasmatique, tenue pour responsable.

Deux ou trois arrêts plus loin je descends, et dans la rue qui me ramène chez moi je me dis qu'un rapide tour dans la rue, dès que l'on quitte, surtout, les lieux de haute consommation, le centre-ville d'apparat, de gens affairés sortis pour acheter et se montrer, personne, mais personne, à l'exception des quelques jolies filles (non, de toutes) qui tentent par "l'érotisation du prolétariat" comme disait Belting, de sortir de ce monde forcément considéré comme glauque puisqu'il ne brille pas autant que les idéaux, les images platoniciennes d'une cynétique caverne autant que total, et puis écran total pour se protéger des foudres divines sous un soleil radieux empêchant de sombrer dans le glauque de la misère. Un rapide tour dans la rue montre bien que "les gens", comme On dit quand On ne parle pas d'"individu" (étant entendu que On ce n'est pas les journalistes, eux sont des personnes qui sont des médiatrices, ce qu'ils oublient d'ailleurs souvent), ne correspondent pas aux images idéales que se fait n'importe qui reste dans sa chambre, fut-elle éclairée au kaléidoscope cathodique. Rien d'idéal, ici, Platon ne nous est d'aucun secours.

Voilà, ce doit sans doute être le contre-don fait à Onfray pour sa visite à Sarkozy dont je n'ai pris connaissance que cette nuit, bien que j'ai plus à dire sur le sujet, qui m'a occupé sur le trajet aller.

vendredi, avril 27, 2007

Rituel judiciaire

La justice fonctionne comme un rituel. Le jugement n'est pas seul à importer, de même que le comportement du prévenu (y compris ses aveux) : tout le déroulement compte, et tout ce qui y est dit.

Rituel afin de conjurer le sort, de faire sortir les démons. Rituel de guérison, d'une immunité retrouvée, à la fois celle du "corps social", c'est-à-dire de son imaginaire (qu'il soit symbolique, moral, politique, etc, selon le "corps social" en question), et à al fois celle des victimes.

Ce rituel judiciaire, c'est "l'irrationalisme à l'oeuvre dans cette institution particulièrement investie par la modernité et par le rationalisme.

On dirait que ça ne marche plus. Chacun des deux plaignants (le "corps social" et les victimes) doivent s'en remettre à d'autres instances. L'audio-visuel pour le premier, peut-être, et pour les secondes, peut-être aussi, les psys et tout ce qui peut permettre de produire une immunité, de la résoudre (en travaillant sur le discours lui-même ou pas).

Si ça ne marche pas ou plus, c'est que ce qui se résout à travers le rituel, ce n'est pas ou plus cet imaginaire du "corps social", mais également l'idée que les victimes se contenteront d'une sentence. A la place du "corps social", on a bien souvent un ordre politique ou la primauté d'un machinerie de réseaux sociaux ; parfois même l'imaginaire supposé du "corps social", dans les cas de procès extraordinaires expédiés rapidement (Outreau, par exemple) ; avec ceci, parfois il suffit d'intégrer, même à titre indicatif, une condamnation de ce qui est immoral, histoire de dire que.

Réforme de la justice ou son procès... Ou encore la venue au monde d'une nouvelle forme de rituel ; les psys comme l'audio-visuel, par leur forme à tendance unique qui intègre des contenus différents, peuvent à certains égards sembler être cette nouvelle forme, faisant régner comme un ordre technique, formel, structurel, à l'intérieur duquel les contenus seraient certes interchangeables, mais pas sans importance pourtant, comme si c'était à l'intérieur de ce cadre immune désormais que se jouaient les guerres, des guerres "soft" qui gardent les corps intacts, mais qui en jouant avec les "images", en en détruisant parfois, frapperaient bien au-delà de l'image elle-même ; en sorcellerie, la reconnaissance par tous du mal et de la représentation du pêcheur dans la poupée garantit l'effet "magique" de l'envoutement reposant sur la pensée par analogie et le principe de similitude...

Le "progrès" étant le lent cheminement qui consiste à ne plus "marquer les corps au fer rouge" (Nietzsche).

mercredi, avril 25, 2007

Quelques repères

Plus vous descendez dans des petites sphères, à l'étendue peu large, et qui par conséquent ont de grandes chances de se retrouver à l'identique en d'autres lieux, plus leur mode de fonctionnement est mécanique, stéréotypé, inchangeable et reproductible sur une longue période.

Vouloir changer cela, sans passer par une étendue de cette sphère, qui va de paire avec un surcodage au niveau du fonctionnement, vouloir brouiller les cartes, brancher différemment les éléments et les flux qui les traversent, plus cela est pervers. Mais l'on pourrait aussi bien dire : révolutionnaire.

Etendre et surcoder (Deleuze), c'est expliciter (Sloterdijk), ce qui est le sens de toute révolution (Sloterdijk). Cependant, ce qui est révolutionnaire (Deleuze), ce sont les branchements des machines désirantes (Deleuze). Révolution et révolutionnaire s'opposent, ce que notre monde explicite (révolution), l'étendant et le surcodant sans cesse, monde dans lequel nous ne sommes pas des machines désirantes (révolutionnaires), mais privés par retournement de notre symétrie équilibrante de toutes nos extrêmités, et donc de la capacité d'avoir prise sur ce qui et qui nous environne.

La perversion c'est quand domine encore le fonctionnement perverti, reconduit jusque dans sa perversion, reconduit toujours pour toujours le pervertir, ce fonctionnement et ses éléments (ses objets et ses noms). La perversion est un compromis entre révolution et révolutionnaires permettant de conserver ce qui doit être détruit. Le pervers ne sait choisir et souhaite goûter ce qu'il détruit, en plus d'aimer être remarqué pour le changement apporté ; il souhaite tout avoir et jouir de tout ; au final, rien n'advient, mais se consume.

Détraquer les mécanismes, toujours en tension vers un équilibre, vers un modèle, un fonctionnement stable qui jamais n'advient, une dynamique reposant sur l'illusion, sur la croyance qu'elle peut faire tout, et ainsi rendre la sphère à elle-même, est ce qui est révolutionnaire.

Que cela même soit explicité ne pose pas problème, car cela constitue le pôle opposé au processus d'explicitation même, son renversement en l'intégrant mais en le repoussant aux calendes grecques toujours, lors que la révolution, le processus d'explicitation, est éternel retour du tout, du fonctionnement lui-même pourtant jamais identique à lui-même, ne parvenant jamais conformer à les éléments et leurs comportements, à moins qu'il le veuillent bien (par fascination et/ou par effroi, réversibles en passivité confiante).

Dans cette configuration peut prendre forme la devise nietzschéenne du Gai Savoir.

samedi, avril 21, 2007

Vive un monde enfin graphique qui assujettisse le réel toujours après l'irréel, là où l'on pourra le réprimer

On appelle ça campagne, cette publicité. Marketing, vendre, seules images, discours et autres imaginaires à plat. Dans publicité il y a public. Du vent à plat qui décore notre environnement, et nous fait être ensemble. C'est ça, être ensemble, pour tous ces braves gens de la publicité, du marketing, du journalisme, du graphisme : se tenir ensemble des "espaces" (tout un concept, ça, qui se fait passer pour plus ancien que tout ancien, une sorte de principe premier métaphysique, tu parles), entourés par des images sur les murs de la grotte, images tellement plates qu'au contraire des vrais grottes, on ne voit pas la main qui les a tracé. Les sondages, c'est du "marketing d'opinion". Et tout cela est virtuel d'une autre manière encore : permet d'anticiper ce qui va arriver (et si, en 2002, ils le savaient, figurez-vous, mais deux jours avant, peu importe à la limite : à ne savoir que ce dont on a peur, comment voulez-vous qu'autre chose arrive ?). Tout plein de gens qui vont blablater sur les sondages pendant des plombes et puis, la bouche en coeur, qui seraient capables de dire comme s'ils réfléchissaient : "ah mais Orwell il avait déjà tout vu, et puis Huxley aussi, ah les écrivains de science-fiction, tout de même, ils sont forts..." ; bientôt ils ne vont plus lire que ça, pour être au courant avant tout le monde de ce qui va arriver ; bientôt ils vont s'opposer aux délinquants en mettant bien en évidence leurs cadenas, leurs richesses, leur retrait du monde commun, leur mépris à l'égard de celui-ci, leurs complicités avec d'autres affligeants winners, saupoudrant leur petite vie d'une petite peur, pour qu'au moment où ça arrive ils puissent dire : "voyez, je vous l'avais dit, alors maintenant comme j'ai la primauté de la prévision, foutez-moi cette racaille en taule, et appelez tsahal pour nettoyer sa famille au K3B (Kärcher-Bien-Beau-Bosch)". C'est ça, le virtuel, pour eux, et même pour leurs contestataires, sans rechigner : le plus sûr moyen que ce qui a été prévu arrive (ou, comme dirait les googleiens : "dit- moi ce que tu cherches, je te dirai à quoi tu penses") ; pas le tourbillon herméneutique, la boucle performative ; à l'origine, on appelait ça la théorie des systèmes (et oui, un truc informationnel, seauchiots-lavette de la communication). A l'heure où la plupart des gens confondent Les Choses avec de la socio, et le "marketing d'opinion" en premier lieu bien sûr, à l'heure où le graphisme se fait passer pour l'art (rendez-vous compte, tout de même, ils dessinent les uniformes de la police, si c'est pas une amrque de prestige, ça -- bientôt ils vont nous "dessiner" les cages où l'on nous fait habiter, là on pourra enfin pleurer la mort de Le Corbusier, et très très fort en plus), et le théâtre dyonisien médiatique, comme dirait Durand, mais sous quelle poigne d'Apollon, pour le réel, et son spectacle dénommé pour politique pour politique ; à cette heure là, je bois un deuxième café, allume une troisième clope ; dehors il fait beau, c'est bien ; à vivre dans l'irréel, c'est après qu'on s'aperçoit qu'en fait, c'était réel ; mais on ne se dit jamais que c'est réel, n'est-ce pas : trop dangereux.

Contribution à la campagne électorale 3 (mais qu'est-ce qu'on s'fait chier !)

L'infidélité advient dans des dispositifs qui la favorisent, ça devient une logique, une possibilité du dispositif. Des gardes-fous doivent en prémunir. Mais ce n'est pas sans grandeur et sans profondeur humaine de laisser la possibilité à des actions de se réaliser tout en les définissant comme indésirables ; si l'enfant ne peut plus jouer au ballon au bord de la route, il faut qu'il y ait un jardin, mais il faut surtout qu'il puisse promener son compagnon intime le long des routes, et autres chemins communs.
Les peurs sont souvent justifiées. On a tord d'en vouloir pour cela à Sarkozy et autres Le Pen, ni même aux médias : ils ne créent pas les peurs, ils créent (même parfois indirectement, en créant les perceptions et comportements de chacun, donc, de tous) le dispositif dans lequel chacun se déplace, et qui comporte la possibilité de ce qui fait peur. Pourquoi ce dont nous avons peur n'arrive souvent pas ? Parce qu'il n'y a personne pour en tenir le rôle, pour incarner ce rôle. En créant le dispositif qui rend possible l'objet des peurs, même par la création des peurs elles-mêmes, on catalyse l'attention ainsi que des forces agissantes vers ces rôles et ces actions en creux ; au fond, ce n'est pas vraiment leur faute aux futurs coupables, si ils ont été appelés si forts. Lorsque petit, dans ma chambre ouvrant sur la sombre forêt, j'avais peur que quelqu'un vienne ou soi là à guetter ; c'était possible, puisque rien ne protéger, concrètement, mais cela n'est arrivé qu'une fois, une pauvre fille qui avait semblant de se perdre pour venir faire les amoureuses avec les adultes d'à côté, m'ébouissant, la garce, avec sa lampe, avant de se rendre fantôme à l'aide de sa lampe ; à part ça, rien à signaler ; mais répandez ces peurs et ces images dans le village, il se pourrait qu'un gars, un jour, en vienne à incarner le rôle phantasmé.
Le sourire engendre le sourire, la peur et l'agressivité engendrent la peur et l'agressivité. Les politiques, ils seraient même capables de dire, très naïvement : "mais enfin, c'est en informant le citoyen sur son environnement, même (et surtout) si cela a un effet performatif ; c'est mon rôle, ce n'est comme cela que je peux être élu ; et brasser les phantasmes, c'est encore ce qui marche le mieux". Ou comme disait je ne sais plus qui sur http://homopoliticucus.blogspot.com/ : Sarkozy est un illusionniste. S'il n'y avait que lui...

Contribution à la campagne électorale 2

Grand(s) et petits théâtres.
Chacun avec ses fictions et ses techniques.
Le reflet de ce théâtre.
Critique des médias : ils ne reflètent que les acteurs de ce théâtre. Ni les choses elles-mêmes, ni les non-acteurs.
Pour ma part je vois les choses d'un peu loin, assez loin d'un engagement politique, qui peut-être n'aurait pas grand-chose à voir avec ces théâtres, qui peut-être concernerait moins le champ politique que ma propre petite vie.
Avoir des relations sociales satisfaisantes, aménager des lieux de repli gratuits pour les passants de la ville, et d'autres pour ceux de la vie, repenser la communauté (ou la famille, comme disait la gauche sous Jospin, soit la "plus petite cellule sociale" depuis les analyses de Le Play), et sans doute d'autres choses encore, qui toujours concernent la vie en commun, choses toujours repoussées sous motif de la prévalence de l'économique, du culturel (et oui...), des exigences de la vie quotidienne, de tout un tas de facteurs qui priment et définissent ce qu'il y aurait à définir. On peut dire que ça ne concerne que moi, on peut dire que ce sont à des instances plus locales de prendre les choses en main, on peut dire, encore, que ce n'est sûrement pas au politique de prendre cela en main (mais un gain de liberté à ce niveau-là, gain dont on aurait cruellement besoin, c'est déjà politique, n'est-ce pas, au lieu de garder la rue sous le seul contrôle des agents de l'ordre public, si même il s'agit de la rue ; mais repousser le politique, c'est aussi repousser les ordres moraux soutenus par de larges tranches de la population...).
Je ne m'y retrouve pas, non, c'est certain, mais alors pas du tout. La plupart des gens s'en moquent pas mal, font leur petit travail, et regardent le monde à travers leur activité. Je n'en ai pas, c'est peut-être le problème, mais c'est aussi ce qui me permet de voir ce monde qui m'environne sous le seul prisme de mon désir, de ma volonté et de mon désir. Continuant néanmoins à me placer passivement par rapport à ceux qui organisent notre monde, et nous en rendent moins spectateurs qu'ils produisent le théâtre dans lequel nous nous mouvons, confondant "fiction et réalité" au coeur même de notre vie quotidienne (l'exemple de nos grands-parents reproduisant à table les conflits entre les principaux représentants politiques comme si chacun était l'un d'eux nous ouvre les yeux sur nos grands-parents, mais nous reproduisons cela, autrement). D'où que la question de l'électorat, la question de la démocratie, c'est surtout celle d'une assemblée de gens qui ne se présentent pas sous couvert de leur action, de leur statut (il y a longtemps que les ouvriers, politiquement, ne sont plus tels, par exemple) ; pas spectateurs, mais bien acteurs : des acteurs dépourvus de raison propre, de pensée propre, d'un regard propre, d'une intégration propre dans le monde, se mouvant dans une fiction qui leur est proposée, et dont ils redemandent, passivement, fut-ce pour en riant, criant par là comme le "dernier homme" que la démocratie, ça ne les concerne pas.
Nos utopies d'hommes appartenant tout de même au monde contemporain sont si éloignées de ce théâtre dans lequel on nous place que la mise en place, l'explicitation, l'expression, de ces utopies en termes politiques, balayerait ce théâtre, et tout ce qui le soutient ; mais ce qui est, simplement parce que est, ancré dans des institutions, des lois, des habitudes comportementales, des métiers, des emplois, et tant d'autres choses encore, est terriblement puissant ; balayer tout cela épuiserait cent fois l'énergie disponible nécessaire à ce balayage et à la construction d'autre chose ; mieux vaut construire directement autre chose, et cela, sans doute, ne peut que se construire en dehors de la sphère politique, trouvant à se réaliser en montant des barrages contre son pouvoir, des barrières et des détournements, des interstices à investir, un grand mépris, ie une absence de tout jugement, une totale indifférence. Abandonner toute critique et se tourner vers ce que nous voulons, et seulement vers cela, est tout ce dont nous avons besoin. C'est le problème de la province, c'est le problème de la gauche, c'est le problème du marxisme et de la pensée critique, c'est le problème de tout ce qui croit devoir rester fidèle à ces quelques bases pour ne pas laisser libre cours aux constructions abominables de droite, qui s'actualisent magistralement avec Sarkozy depuis quelques années ; tout abandonner et repartir de zéro, avec toutefois son Nietzsche en poche comme exemple de ce qui peut croitre dans le "désert" (et Sloterdijk, et Berque, et tant d'autres) ; se libérer de toutes ces entraves qui virent aux haillons ; se libérer, principalement, du champ public, dans un concret ou dans l'imaginaire, si l'on n'a pas un endroit d'où parler, permettant d'aller vers ce champ public et de s'en protéger ; le désoeuvrement, en creux, est au coeur de la politique actuelle, et s'il disparaissait, jamais un bourgeois sans imagination, comme dirait Wacquant, un grand-papa du peuple, un petit garçon transparent et une ex-star de cinéma ne seraient les favoris ; c'est cette déformation en creux, dont le rire et la critique même sont des signes, des agents pour tout dire, qui est le grand problème, et ce n'est certainement pas du politique, encore moins au niveau national, même législatif, qu'il faut en attendre une solution ; ou pour le dire autrement, on ne peut rien attendre -- on ne peut jamais quoi que ce soit que d'un contexte social bienveillant, et c'est tout ce qui est détruit, au profit d'une mainmise politique et commerciale (et si l'on ne parle pas de la culture, c'est en partie parce qu'elle participe de cette mainmise), qui n'a pas d'autre but que de produire un "parc humain", comme dirait Sloterdijk, dont il n'est pas assez de dire qu'il est composé de consommateurs : il est avant tout composé d'humains même, et c'est bien tout le problème ; que nous ne parvenions pas à agir individuellement ou à quelques-uns sans attendre un retour en bénéfices de prestige ou monétaire, et/ou sans que cette action n'ait une résonnance positive avec un tout phantasmé, que nous soyons si séparés les uns des autres et liés uniquement dans des cadres que nous ne maîtrisons pas, que nous créons encore moins, et dont nous ne voulons pas ; que nous ne pouvons que finir par haïr cette vie, ce pays, ces habitants et tout ce qui s'y joue, que nous ne pouvons que finir par nous sentir étrangers chez nous.
Après, oui, nous pouvons rêver d'amour, et peut-être le vivre. Et je ne pense qu'à ça. Nous trouver, nous embrasser, nous serrer dans nos bras, faire l'amour parfois en nous effleurant même à peine, dans une petite bulle qui supprime les je, les moi, qui leur permette aussi de se réinventer. Mais c'est une métaphore, ne pas se prendre au piège de la désymbolisation. Tous les collectifs fusionnels n'ont jamais fait que la guerre, même si économique. Qu'ils puissent exister à nouveau, dans cette France comme dans cette Europe qui détruisent les nous et séparent les je et instaurent la domination de touts à différentes échelles encastrées, qu'ils puissent exister à nouveau, et à d'autres fins que guerrières, sans se refermer pour autant dans le total repli dans l'implicite avec vue sur l'au-delà que représente le romantisme, semble être le plus grand défi contemporain.
Je préfère encore un sourire gratuit et un regard complice à ces mauvais acteurs et à ces mauvais producteurs, trop riants et trop sérieux à la fois, qui n'ont pas d'autre but que de nous prendre au piège de leurs fictions, ainsi que de leurs prisons ; il y a même des télés d'internet qui mène des interviews de bloggers politiquement actifs, c'est dire. Le jour où l'on pourra dire je t'aime à n'importe qui dans la rue, que cette personne nous réponde la même chose, que l'on rit, que l'on sourit, ou même que l'on s'engueule, qu'il se passe quelque chose enfin, le jour où l'on pourra décider de ce que l'on va faire ensemble, que l'on pourra le vouloir et le désirer, sans se sentir obligé d'agir selon des attentes supposées de l'autre, sans chercher en nous-mêmes ce que nous désirons, sans aller droit au but d'une désymbolisation qui explicite en actes, sans la comprendre, la relation, sans qu'elle soit une conclusion de l'action mais bien plutôt un point de départ ; le jour où une reliance parcourera non chaque communauté ni la grande masse un soir de finale, mais tout lieu où deux personnes se trouvent ; ce n'est pas une histoire de croissance, ce n'est pas une histoire de climat, ce n'est pas une histoire d'imaginaire en développement, en expension, ce n'est pas dans le ciel dont nous serions passifs, ce n'est pas non plus dans une histoire d'imitation d'autrui, dans la volonté acharnée, désespérée, d'interagir avec autrui, ce n'est pas non plus dans la volonté individuelle, c'est plutôt, dirait-on, à la surface des corps, dans des tacts, des effleurements, des bonnes distances, des sourires et des regards, un inquantifiable, un immontrable, étranger à toute raison moderne, donc aussi à toute pseudo théologie ; cette membrane, ce moi-peau, qui nous permet de respirer, d'être tout à la fois nous-mêmes et non un individu, qui nous permet de nous lier aux autres et de nous refermer. Métaphysiques climatologiques, sociologies dispositionnelles, philosophies taoïstes, psychologie du moi-peau, anthropologies de l'imaginaire du collectif, arts du simulacre et des installations, géographies de l'espace habitable... tous montrent, de différentes manières, que c'est à nous de nous créer nous-mêmes, et ce qui nous réuni, et nos communautés, et notre environnement, ou à défaut d'être compris et de servir, ou à défaut de pratiquer un art deleuzien ou baudrillardien de la disparition, ou à défaut de désymboliser celle-ci et de nous retirer, de nous laisser mourir, dans le silence d'un couteau, dans la lenteur d'une maladie, comme dans le spectaculaire, après même que les meilleurs aient crâmé dans les années sida, liquidant les espoirs d'une confiance dans le monde qui nous était donné. On dit que les japonais, dans toute réunion, avant de discuter, accordent leur respiration ; la notre, même seuls, elle est désaccordée.
Il commence à faire jour, je vais aller me coucher ; seule la nuit, seul, me voit comme apaisé ; mais grillant clope sur clope. Nuit que 900 miles, à défaut d'invention, pouvoir du symbolique, en l'absence de l'autre et de corps qui se touchent, clôt.

vendredi, avril 20, 2007

Simulacre et simulation (explicitation)

Le simulacre est une "explicitation esthétique" comme "l'installation est l'explicitation esthétique de l'encastrement" (Sloterdijk, Sphères, 471).
"Les révolutions sont au fond des explicitations de l'implicite" (id, 468) : il y a un motif révolutionnaire dans le simulacre.
A propos de Toilettes de d'Ilya Kabakow (9e Documenta de Kassel en 1992) : "Lorsqu'on entrait dans Toilettes, on était impliqué dans une sorte d'habitat-comme-si. On participait à une expérience d'immersion temporaire dans ce qui constituait, pour d'autres, la situation centrale -- leur encastrement. L'entrée du (467) visiteur dans Toilettes était une manière ontologique d'aller quelque part : le passage de la situation d'art dans une situation de non-art s'accomplissait au sein de l'art lui-même -- ou, pour parler encore une fois en termes heideggeriens, il était er-örtet, à la fois localisé et commenté dans l'oeuvre." (id, 466-467)
"L'estime que l'on porte traditionnellement à l'image, comprise comme une invitation à l'entrée de l'observateur dans la situation représentée, ne peut plus actuellement, du point de vue de Kabakow, être reprise que par l'installation" (467)
Il s'agit d'une "immersion dans la banalité. Il s'agit toutefois d'une banalité rendue explicite, pour laquelle on ne sait jamais précisément si l'on peut s'y détendre ou non. La plongée dans le banal explicite est le saisissement qui n'a pas le toucher du saisissement." (467)
=> l'installation telle qu'en parle Sloterdijk est un simulacre, en particulier un simulacre, une explicitation, de l'encastrement. Celle-ci ne peut peut-être que prendre dans un espace délimité, hors profane, sacré : le musée, l'art en exposition (il faudrait se renseigner sur la sacralisation d'un lieu : dans certaines cultures, le dessin du lieu (son architecture, son agencement spatial ou environnemental), des symboles et des consécrations par des officiants religieux en font office : et dans le champ "profane" de l'art, pour un lieu qui n'est pas déjà un musée ou une exposition, est-ce l'inscription de l'institution muséale pour ainsi dire portative ?). C'est poser la question, plus concrètement, de la possibilité du simulacre en contexte profane, quotidien, banal : de l'explicitation du banal au sein du banal, d'un simulacre du banal qui dans le banal même soit une "plongée" et un "saisissement qui n'a[it] pas le toucher du saisissement" ; la simulation, au contraire, est modélisation invivable, en milieu climatisé, comme dirait Sloterdijk, du banal, puis son exportation en milieu banal : la simulation et le simulacre sont deux manières contraires d'explicitation.
=> l'explicitation dont parle Sloterdijk est présentée par lui comme unie, indifférenciée, bien que tout au long de son ouvrage il cherche à établir une différence entre plusieurs types d'explicitations, laquelle étant le fondement même de la modernité, ne peut être refusée ou contournée. Recherche en cours depuis sa Critique de la raison cynique, ouvrage dans lequel il montrait la différence profonde entre le cynisme moderne (cynisme) et le cynisme antique (kunisme) ; le premier pouvant se décrire dans une première phénoménologie comme "os[ant] se montrer avec des vérités toutes nues qui, par la manière dont elles sont mises en avant, gardent quelque chose de non-vrai" (CRC, 21). Simulacre et simulation (différence baudrillardienne) reposent chacun sur l'un de ces cynismes ; d'une certaine manière, on pourrait dire que le cynisme prétend croire alors qu'il fait semblant (mais cherche, technique de communication, à le faire croire), tandis que le kunisme prétend ne pas croire alors qu'il introduit à un croire plus respectueux de l'étant, comme dirait Heidegger, si l'on suit le programme de celui-ci : « qu’y a-t-il de plus facile, apparemment, que de laisser un étant être précisément ce qu’il est ? Ou bien cette tâche nous conduirait-elle devant ce qui est le plus difficile ? Aussi un tel dessein de laisser être l’étant comme il est, représente le contraire de cette indifférence qui tourne simplement le dos à l’étant. Nous devons nous tourner vers l’étant, à son propos nous souvenir de son être ; mais de la sorte, nous devons le laisser reposer en lui-même, dans son essentiel déploiement », programme qui peut apparaître comme celui-là même du simulacre.
=> au début de la modernité, le simulacre est explicitation du point de vue d'un auteur par lui-même(Cervantès, Vélasquez) . C'est sur cette base du "laisser un étant être précisément ce qu'il est", en l'occurrence l'étant-artiste, que l'artiste dans sa conception moderne s'est développé (ce que l'on retrouve dans l'art amérindien). Il s'agit du pouvoir de quelques-uns, et à l'égard d'eux-mêmes seulement (c'est également sur ce schéma que se constituera la figure de l'intellectuel) ; ce qui a pour conséquence d'introduire des simulacres, certes, mais, pour le lecteur, ou le spectateur du tableau, il s'agit déjà d'un retournement de son regard, de telle sorte qu'il ne puisse qu'avoir la vision de l'artiste, ou de l'intellectuel, et se trouve pris au piège de ce regard, du moins dans les cas où ce simulacre est présenté comme réalité. Ceci montrant que tout simulacre, comme toute création, oeuvre d'art, est répétition (Didi-Huberman), soit explicitation, mais explicitation de quelque chose ; la répétition (en sociologie Tarde parle d'imitation) étant telle qu'elle introduit nécessairement une différence, qu'elle est déjà autre chose, une oeuvre à part entière, elle ne peut pas être explication, démonstration, ou "explicitation" dans le sens couramment donné à ce terme, qui est de présenter sans créer autre chose, en restant dans l'illusion du même rendu plus clair aux yeux ; une telle fausse répétition, n'intégrant pas le déjà explicité redevenu implicite de ce qui est répété, tombe dans la simulation ; par rapport à soi-même, cela signifie que l'on ne peut pas s'expliquer sans devenir, que toute compréhension de soi, et par là même présentation de soi à autrui, est, ne serait-ce qu'au travers de cette présentation même, répétition de soi, et donc devenir, transformation, ou tout aussi bien, à l'inverse, qu'une telle explication niant cette répétition (répétant la chose même), est perpétuation de l'être comme tel, du même, mais du même comme devenir, creusant une distance toujours plus grande entre soi et soi, mécanisme de dépossession aux fins d'une consommation collective du corps, et plus encore. Ce devenir, dans la modernité, a êté codé comme devenir-artiste, ou devenir-intellectuel, du moins comme un premier mouvement (bien souvent, ce mouvement même n'est pas répété, seulement l'est la transformation opérée, ce qui est devenu, l'étant, alors compris comme être, comme habitus).
=> le processus moderne tend à expliciter (simulacre ou simulation) l'humain sur sa base d'individu biologique, à la fois à travers des dispositifs immensément collectifs (gouvernance), et à la fois par un effort de lui-même (sur le motif du devenir-artiste ; ce qui est compris dans la gouvernance, comme le notait Foucault [citation dans Fresh Théorie : la gouvernance laisse un espace de liberté à l'individu pour qu'il l'investisse, réalisant par là même son aliénation]). Or, de nos jours, la question qui se pose (l'installation, au sens de Kabakow, au sens de Sloterdijk -- et ce dernier, en tant que philosophe, est le symptôme de l'actualité d'une telle question), est celle de l'explicitation de ce qui est commun à plusieurs individus, que l'on en fasse partie en non : un processus de simulation à cet égard est en cours dans le monde contemporain, l'urgence de simulacres se fait sentir.

Caméra

"Riches et pauvres", ça provient d'une assignation au(x) même(s) modèle(s). Le relativisme culturel tendait à venir corriger cela, il n'en est que le cache-misère. Le mouvement essentiel est moins celui des humains que celui des choses : que des modèles, en l'occurrence, deviennent particulièrement prégnants ; l'humain est support, l'humain est instrument -- autrement dit la question des zooms, sachant que :
1) tout regard holiste est porté depuis le sol (le ciel comme média, par exemple : ce media a pour particularité d'être passif et de porter du sens, quand bien même certains se chargeraient de le construire) ;
2) on ne connaît guère que des zooms segmentés, qui n'ont rien à voir dans ce qu'il montre les uns avec les autres, donc pas de comparaison possible, ni d'assimilation sur un même plan ;
3) chaque zoom ne comporte pas de contraste, pour l'obtenir, on passe à un autre zoom ;
4) du plus petit zoom au plus grand, on peut se poser la question de la validité, du bien-fondé et des buts :
a) du la prédominance de la vue ;
b) de la mise en image ;
c) d'une image neutre, objective, scientifique ;
d) de cette segmentation de l'image ;
e) bref, d'un cinéma du "social", cinéma qui n'a pas plus de justification que les autres outils médiatiques à disposition de qui parle.


Une caméra, lorsqu'il est question de "social", fonctionne, est utilisée, comme un oeil objectif, glacial, totalement ouvert, qui ne voit rien et pourtant c'est lui qui voit. Prenez n'importe quel milieu fermé : il y a un microcosme, il y a de la vie, il y a de la culture, et bien mettez une caméra, et de suite ce petit monde deviendra semblable à tous les autres petits mondes, la caméra elle-même (la technique de vue, mais également le montage et sans doute aussi les interrogations qui précèdent le film : bref, les réalisateurs, qui se déresponsabilisent derrière l'académisme) ouvre ce petit monde au scalpel sans pour autant le comprendre, et depuis l'ethnographie, on sait que le seul but d'un tel procédé est d'amener la civilisation, sous prétexte de montrer ce qui n'en est pas, pas encore. Cela repose à la fois sur la présence d'être qui se considèrent eux-mêmes comme supérieurs (le terme n'est plus d'actualité, il s'agit plutôt d'êtres qui appartiennent à un monde plus grand, et qui peuvent venir dans le petit en toute impunité, pour filmer, pour mettre ce petit monde en image, voire pour l'éduquer, le développer, à travers des actions plus concrètes), et sur le miroir offert, qu'il soit celui de l'ethnographie (ex : Dogons), celui de la caméra journalistique ou même un simple miroir ou encore un appareil photo (par exemple dans un asile psychiatriques de femmes au Brésil, l'introduction d'un appareil photo a eu pour conséquence qu'elles se sont mises à prendre soin de leur image, et par là à se composer un double d'elles-mêmes, à introduire une distance médiatique à elles-mêmes, comme si, pour sortir d'un réseau serré de socialité dans lequel chacun est autant broyé que soutenu, il était nécessaire de produire un double de soi-même -- je ne sais si cela a un rapport, mais une étudiante à l'IEP me disait, en présentant une exposition à des visiteurs, qu'elle entendait en même temps qu'elle parlait une voix en elle-même qui ne cessait de la critiquer, de porter un regard, ou peut-être seulement un discours, sur elle-même en train de parler, que l'on appelle cela conscience, moi critique, ou l'on peut même le reconnaître comme quelqu'un d'autre, peut-être un génie, cela n'a pas vraiment d'importance car ne sont que des dénominations relatives à qui essaye de l'identifier, or, précisément, identifier le double c'est déjà le choisir, choisir le rapport entretenu avec lui, bien que, généralement, les mots ne viennent qu'apposer un sceau sur une pratique déjà effective).

Pratique de la sociologie :
Impossible de produire une sociologie en chambre, en théorie, en laboratoire. Parfois beaucoup de questions se posent, et des enquêtes intéressantes, passionnantes, fascinantes, nous viennent à l'esprit comme nous nous questionnons sur nous-mêmes, ou lisons un livre, en entendons un professeur parler ; enquêtes qui ne seraient que mises à l'épreuve de l'abstrait, de l'imaginaire théorique, ou encore des illustrations de celui-ci ; constructions théoriques qui n'ont d'objet que la théorie elle-même, enfermées dans des lieux théoriques et une culture théorique, coupées de tout sol (architecturalement, du point de vue de l'occupation humaine de l'espace, cela n'est pas sans résonnance, jusqu'aux buildings climatisés) ; c'est sans doute ce qu'il y a de plus motivant, de plus passionnant, mais si l'on supprime un seul instant l'élévation culturelle dans laquelle s'inscrivent ces enquêtes, si l'on veut porter un regard sur le terrain investi aux seules fins de la reproduction, ou plutôt répétition, d'une culture (qu'elle soit journalistique, scientifique, religieuse, philosophique, scolaire, ou autre), la misère se fait rapidement sentir, dans un éclair angoissant qui n'a d'autre effet que de replier vivement l'imprudent dans sa tour d'ivoire, parfois majestueuse et durable (on peut se rappeler ici de ce que disait Nietzsche du christianisme : n'a de valeur que ce qui dure longtemps, et ceci dans le cadre d'une institution, ie d'un imaginaire capable d'une puissance d'informer le monde, le terrain, le réel).
A l'inverse de ceci, on peut essayer de mener une sociologie qui parte sur un terrain comme on va à la guerre : on ne sait pas ce que l'on va y trouver, on sait qu'il va en résulter quelque chose même et justement si on n'en revient pas, et l'on n'a rien à perdre, en d'autres termes, il faut partir, "à la guerre comme à la guerre" (les expressions ont souvent plusieurs sens, celle-ci pouvant signifier 1) qu'il faut partir mais qu'on n'a pas le choix de la destination, ou plutôt qu'il nous est proposé une fausse alternative, 2) qu'il faut se débrouiller avec "les moyens du bord" parce qu'aucune structure, institution, n'assure l'organisation ordonnées de la vie courante et que donc on ne peut se reposer sur une telle organisation (c'est en ce sens qu'elle est couramment utilisée, par exemple pour justifier que lorsque par exemple un couteau fait défaut pour couper du pain, on se serve d'une hâche, dans le cas où le pain serait trop épais et trop dur pour être un minimum protestant), 3) dans le sens utilisé ici, soit l'investissement de l'image de la guerre et du guerrier par des gens qui ne l'ont jamais faite, ni même en entraînement ou pour s'amuser, pour dire le surgissement du terrain comme évènement, et non par exemple de l'évènement comme image ou mot).
Dans ce cas, le sociologue devra faire preuve de "raison sensible" pour tenter de carresser son objet au plus près, afin de s'en faire le miroir le plus juste possible, ie un miroir dans lequel celui qui s'y reflète ne se regarde pas (et encore moins, tel le miroir médiatique, où il s'exprime). Il s'agit, d'une certaine manière, de récolter une empreinte, que l'on imagine celle-ci telle l'ombre plinienne, le masque du défunt dans l'atrium romain, la capture photographique volée, le moulage sculptural in vivo, ou plus exactement une décantation des reliefs à plat, soit saisir les particularités du terrain, son relief, et ensuite les mettre à plat, ce qui signifie précisément l'inverse d'une "compréhension" (d'une fausse compréhension), d'une capture au sein d'un dispositif théorique qui porte lui-même les codes.
La forme de cette inscription est donnée par le terrain même, mais l'inscription n'est pas passivité à cet égard, elle est tension en vue de l'inscription de cette forme, de telle sorte que le terrain ne se complaise pas dans un miroir ou ne s'exprime pas en lui. L'inscripteur lorsqu'il n'est pas encore un inscripteur, mais un enregistreur, est un idiot.
Note sur l'idiot :
"(516) L'idiot est un ange sans message -- un complément intime et sans distance de toute entité qu'il rencontre par hasard. Son apparition (517), elle aussi, relève du phénomène, non pas cependant parce qu'elle incarnerait dans ce monde un éclat transcendantal, mais parce qu'au coeur d'une société de joueurs de rôles et de stratéges de l'ego, il incarne une naïveté que nul ne peut attendre et une bienveillance désarmante."
"(518) L'idiot est manifestement celui qui peut se comporter comme s'il n'était pas tant soi-même que le double de soi-même et, potentiellement, le complément intime de tout autre qu'il rencontre."
"(518) L'idiot se placentarise lui-même dans la mesure où il offre à toute personne croisant son chemin, à la manière d'un coussin intra-utérin, une expérience inexplicable de la proximité -- une sorte de liaison immémoriale qui crée (519) entre des personnes qui se voient pour la première fois une ouverture telle qu'on ne peut la trouver qu'au Jugement dernier, ou dans l'échange non-verbal entre le foetus et le placenta. En présence de l'idiot, la bienveillance inoffensive devient une intensité en mutation ; sa mission semble être de ne pas avoir de message, mais de créer une proximité dans laquelle des sujets rigidifiés peuvent se liquidifier et se reconstituer. Sa morale, c'est de ne pas frapper en retour [ce qui devient difficile dans les cas où en face la personne "frappe"]." Sloterdijk, Sphères I, Bulles, trad. de l'allemand par Olivier Mannoni, Fayard, 2002 (1998)
Après avoir été idiot, il est inscripteur, et alors inscrit le procès de cette "liquidification" et de cette "reconstitution".
Le terrain le concret est donc celui de personnes, et la méthode procède par entretiens. Ces personnes sont abordées comme actrices sociales, ie, plus que simplement objets d'une action (comme peut l'être un "acteur" au sein d'un système, ou un "acteur" par rapport à un rôle), sujets de cette action, d'une activité en l'occurrence professionnelle. L'acteur social est par certains égards aveugle, naïf, dominé par des systèmes imaginaires, institutionnels, par des rôles qu'il pourrait imiter, mais il n'est pas un sujet, et il n'est pas non plus investi d'un libre arbitre, d'une volonté propre d'informer ce qui l'entoure ou d'en décider ; le point de vue se focalise sur son action, de telle sorte que l'on puisse parler de "joueur", encore qu'il n'est pas certain que l'acteur ait conscience de l'être, qu'il se comportât comme joueur (du pôle actif, ie maître de son jeu, au pôle passif, ie se laissant manipuler par les règles du jeu).
=> terrain de personnes, car portent l'action, l'activité. abordées comme actrices.

Contribution à la campagne électorale

J'en ai marre de ceux qui vivent le monde comme représentation. Surtout parce que c'est quelque chose que j'ai su faire, j'ai essayé en tous les cas, et puis, en période électorale... et puis avec le réchauffement climatique... enfin, des urgences, il y en aura toujours une, entre deux on s'ennuie, on comble les trous avec de l'insignifiant, on vaque à ses occupations, ce que l'on fait tout de même en période de non-imaginaire-collectif-évènementiel.
La représentation, ça ne me dérange pas, c'est "le monde" qui me dérange plutôt. Façon de parler, je sais, surtout qu'en période de règne hégélien, d'accélération du processus d'explicitation de... du monde, oui, difficile d'en sortir, mais certains sont plus précis. La représentation ne me dérange pas ; Schopenhauer, à part se prendre le chou avec sa voisine n'a jamais fait grand chose d'autre qu'écrire, et l'on pourrait rester dans ses représentations toute notre vie, on vivrait sûrement ainsi une vie meilleure.
C'est la représentation comme médiation qui m'ennuie. La démocratie, ou la République, ça fonctionne à travers une médiation représentationnelle qui circule en en parlant, quoi qu'on dise à l'intérieur de ceci. Concrètement, ça se met en scène dans les dîners de famille, dans les conversations courantes, sans parler des médias, ça va de soi, la caricature au sujet d'ils en ont parlé signalant même déjà, il y a au moins un siècle, un retour sur la presse de ce schéma, une fermeture de la représentation sur elle-même. Chacun a son avis, parce qu'il faut avoir un avis, et nos grands-parents participaient à des dîners où chacun incarnait l'un des candidats, un véritable théâtre quotidien dans lequel les acteurs croient à leur rôle, ne font pas de différence entre "fiction et réalité" (après ils viennent nous gonfler les oreilles quant au virtuel, désespérant...), bien que l'histoire ne dise pas si un recrutement sur le tas avait lieu pour décorer un convive des habits d'un candidat qu'il ne supporte pas forcément.
On a l'habitude, maintenant, d'être spectateurs, et nous le sommes encore bien plus que nos grands-parents, qui eux encore étaient, ironiquement, acteurs. C'est bête, en plus, ce petit théâtre, puisqu'ils se réunissent en famille pour manger et boire un verre, ils se disputent, puis ils quittent la table en beuglant, en recommançant quelques mois plus tard ; c'est un peu le but de l'Etat, aussi, de mettre la famille en danger mais de s'asseoir dessus quand même ; les politiques, eux, d'abord se disputent, puis c'est ensuite qu'ils boivent un pot, réunissant par là la famille, au-delà des petites différences genre gauche-droite (vers les extrêmes, peut-être qu'ils ne participent pas au pot, mais ils ne participent guère au pouvoir non plus, et à peine aux disputes : les bords permettent de garder le centre, n'est-ce pas).
Du point de vue bêtement interactionnel, il ne s'agit jamais "que" d'une médiation, une certaine médiation, un mode parmi beaucoup d'autres, entre des acteurs sociaux (eh oui, on n'existe socialement qu'en situation d'interaction, et alors difficile de ne pas être acteur ; c'est après, sur le spectacle en question, que les avis divergent, et donc sur le sens de "acteur"), et de la fiction qui permet à cette médiation d'avoir lieu (soit comme dans un jeu de société, il y a sur le petit papier deux choses différentes : la composition du jeu, et la règle du jeu, les deux intégrants, l'une sur le plan de la forme l'autre sur le plan du fond, des représentations, la fiction qui permet de jouer, mais cette fiction ne compte pour ainsi dire pas, ça fait juste décor, c'est juste un skin pour les yeux, pour que notre esprit ait plus de facilité à se fixer sur le jeu, à y croire, et donc à le jouer).
Le monde comme représentation n'a pas d'autre fin que de participer à des jeux et autres théâtres interactionnels comme ceci. D'où que gamberger dans son coin le monde comme représentation, c'est surtout se préparer aux prochaines interactions que l'on va avoir, auxquelles on va participer. Plus l'on y gamberge, plus l'on y croit, et plus il y a de chance que nous ne connaissions pas d'autres modes d'interaction ; les maoïstes étaient fortiches à ce jeu-là. Ce qui veut sans doute dire aussi que les autres modes d'interaction se préparent également, dans la solitude, mais tout autant qu'ils reposent sur des techniques, sur des habitudes, sur un rodage et une expérience.
Généralement c'est creux, ces grands discours, mais creux de chez creux. Une cervelle, pour peu que les plombs n'en soient pas sortis en laissant des trous, ou entrés, d'ailleurs, se lyophiliserait de suite à se pencher sur eux. Or il existe des personnes qui ne font que ça ; je dis "personnes" parce qu'elles ne sont plus qu'images. Elles font souvent, du reste, le contraire de Gide : elles nourrissent l'esprit avec de la soupe, et leurs nourritures terrestres ce sont ces espèces d'interactions théâtrales de croyants hypotrophiés.
Le monde comme représentation c'est donc se laisser berner aux médiations interactionnelles, du moins celle du mode décrit, qui n'est du reste pas spécifiquement langagier (auquel cas on pourrait le différencier de la guerre, de l'amour, et du on fait des choses ensemble, mais ce n'est pas ainsi dans la mesure où ce n'est pas aller droit au but du mode en question : derrière l'amour la jouissance, derrière la guerre la mort, derrière l'activité l'activité elle-même ou son but (gagner la partie de Monopoly, pour prendre l'exemple d'un sportif), derrière le discours le partage d'un imaginaire collectif, d'une médiation représentationnelle par laquelle les personnages montrent aux autres et à eux-mêmes que oui, ils sont de bons citoyens, que oui, ce sont de bons cinéphiles ou qu'ils connaissent leur rayon philosophique). On peut s'y laisser berner par le biais d'un bruit ambiant (par exemple le bruit ambiant au sujet du "réchauffement climatique", puisque telle est la formulation semble-t-il la plus en vogue), ou encore par le biais d'un bonhomme particulier (par exemple Allègre, Hulot ou Pelt). Il y en a même qui vont dire : non mais je vais voir plus loin, sans pour autant le faire, mais certains le font quand même, et quand il ne s'agit pas de l'adoption d'une discipline de la vie quotidienne, de l'intégration d'un ordre moral quelconque (après laquelle d'ailleurs le petit pion de la secte peut devenir officier du gourou. En politique on appelle ça militant), quand ce n'est pas non plus la saine recherche de repères qui lorsqu'ils sont trouvés on jette l'emballage qui les contenait (mais ce n'est pas très écologique, comme geste, pourrait-on dire, écologique serait une intégration organique, soit devenir un parfait militant, autrement dit voilà une bien belle méthode pour arriver à croire, au sens même des zombies de sectes mormones ou autres, ie que ça peut être diffus, très diffus, mais toujours là... ; des ramollis du bulbe qui z'auraient oublié que l'athéisme, si on peut le dire comme ça, est un combat, peuvent dire de leur voix molle, "mais l'homme a besoin de croire, non ?", on leur répondrait la bouche en coeur que non, l'homme a besoin d'interactions, mais plus encore d'interactions, de dispositifs, qui comportent par nature médiation et interaction, dans lesquels il puisse avoir confiance, après quoi ces raviolis de la vulve pourraient bégayer que "mais... euh... ben oui, c'est ça : croire !", sans comprendre qu'ils ne cessent d'avoir en tête l'unité de la chose crue, qui en retour définit l'unité du croyant, donc son aliénation corps et âme, sa démission en tant qu'humain allant de paire, curieusement, avec son unité, laquelle réduction à l'individu biologique est un phénomène typiquement moderne, et pas plus ancien, et là d'ailleurs, ce qui supprime le "curieusement", Marx est plus témoin, symptôme de son temps que penseur, s'il l'a jamais été).
A mesure que l'on devient plus spectateurs de la politique, à mesure que l'on cesse de reconduire les petits théâtres de nos grands-parents ou ce qui pourrait en tenir lieu, soit à mesure que s'étend ce que certains nomment la désaffection de la et du politique, croit autre chose, toutefois contigue. Il n'y a pas désaffection, c'est simplement que les choses se déplacent, et l'on peut trouver ce déplacement dans la médiation représentationnelle. On peut dire ce que l'on veut sur "les jeunes", et singulièrement sur "les jeunes de banlieue", cette position de pur spectateur et ce déplacement, nous sommes quand même nés dedans, pour peu en plus que les conversations de nos grands-parents nous ennuyaient au point d'aller mollement faire dire tut-tut à nos voitures, et puis aussi tchou-tchou histoire de changer un peu, ou d'aller tout aussi mollement faire rebondir le ballon sur le mur. Ce déplacement, il est que la médiation représentationnelle, de la chose politique va vers ce qui nous est plus commun à tous, sort du terrain de la seule action politique ; la culture, déjà peut-être, mais surtout là "l'environnement", "le monde" ; et avec ça, aussi, on ne joue plus aux hommes politiques, mais on peut jouer à nous-mêmes, s'il arrive que des gens aient des débats enflammés à propos de leur utilisation des poubelles à recycler, allez savoir. Déplacement sans doute nécessaire à ce qu'il y ait, en tous lieux de France (pour l'Europe c'est pas tout de suite, mais cela se poursuit : on construit déjà les mêmes immeubles à Paris et à Rome), un dénominateur commun aux fins d'interactions, bien que le silence, et peut-être, parfois, la peur, l'aient sans doute emportées sur le babillage à propos du temps qu'il fait et fera, et bien que, à vrai dire, les discussions politiques ne concernassent plutôt que les relations suffisamment intimes.
D'où que ça pue donc tant, ici ? Eh bien, de la médiation interactionnelle, qui régule les rapports en sphère semie-privée (et parfois même intime, c'est dire ; ça peut même toucher les couples, mais déjà les enfants, depuis qu'ils sont de grandes personnes, depuis qu'ils sont depuis tout petits déjà des étrangers que l'on accueille bienveillamment-mais-faut-pas-pousser). Il y en a toujours une, ça va de soi, mais laquelle. Quel est son mode, quelle est sa fiction ? C'est comme un jeu, avec sa composition et sa règle, et sa fiction intégrée, et peut-être aussi son but, un jeu que les acteurs joueraient parfois, le plus souvent sans doute, sans savoir qu'ils le jouent ; l'individu tout seul peut rêver de ce qu'il veut, il peut aussi souhaiter de "s'exprimer", de "se désinhiber", et autres termes approchant, mais le but est surtout une transformation des interactions courantes, surtout avec les personnes connues, même si cela nécessite un recyclage à cet égard (le but, semble-t-il, de la constitution de soi comme soi et d'un soi comme très expressif, totalement déshinibé, étant la capacité d'entrer dans n'importe quel type d'interaction, voire d'apporter avec soi la boîte du jeu ; ce qui est récupéré, ou détourné, par des modes interactionnels spécifiquement d'expression ou de désinhibition).
Pour dire tout cela autrement, la désastreuse campagne politique qui traîne dans l'air pourrait être comprise sur ce mode-ci : ce qu'il faut changer, ce sont les interactions avec nos semblables, car là seulement réside, en ce qui nous concerne chacun, toute politique. Et, si le pouvoir en a si peu que Jospin le prétendait (et s'il n'est pas possible de contraindre les chinois au respect de l'environnement, au contraire de ce que prétend Hulot, et si l'on veut bien donner le bénéfice du doute à Allègre qui dit grosso modo que c'est tout un foin qui a comme source et destination tout autre chose que ce dont ça prétend parler), alors non seulement on vivra peut-être un peu mieux, mais en plus on aurait dans ce cas quelque chose que les chinois n'ont pas. L'explicitation du monde touche jusqu'aux relations intimes, et sa maîtrise jusqu'à celle de tout rapport humain, jusqu'à leur invention.

mercredi, avril 11, 2007

Web poubellicité et "marketing d'opinion"


"Ipsos est un institut de sondages français et une société internationale de marketing d'opinion" (Wikipédia)

Il y a autant de sociologie là-dedans qu'il y a de philosophie dans les larges pubs bancaires à l'aéroport Charles-de-Gaulle où l'on voit par exemple deux images de chocolat et deux images de brocolis, marqué alternativement "j'aime" et "j'aime pas", signe d'une "pensée relativiste".
Si certains n'étaient pas encore persuadés que la politique est un spectacle, on ne pourra en tous les cas plus dire ne pas savoir que les sondages sont de la publicité...

mardi, avril 10, 2007

Socialité des corps

Notre corps n'est pas un comme une image, d'abord mentale, ensuite visuelle, voudrait nous le faire croire, de l'image mentale à l'image mentale : l'image intériorisée, informant la matière même.
Notre corps n'est pas non plus une déformation de cette unité : pas une fragmentation, pas une segmentation, pas une atomisation.
Notre corps objectivé sert à un pouvoir objectivant, qui peut ainsi mieux prendre soin de nous. Mais pour nous-mêmes, sensoriellement et réflexivement, nous ne sommes pas ce corps, nous ne sommes pas l'image mentale qu'a le pouvoir objectivant de nous renvoyée à nous-mêmes à mentaliser, à intégrer jusqu'à information de la matière même. Nous ne sommes pas à expliquer, encore moins voulons-nous que l'on nous renvoie notre image expliquée (ce que font les programmes télévisuels : propagande).
Notre corps n'est jamais un, ou lorsqu'il l'est, c'est déjà autre chose. Notre "énergie", par exemple. Notre corps, c'est des bouts, des organes, que l'on peut oublier, qui peuvent nous rappeler, sur lesquels nous pouvons nous concentrer. Il ne s'agit pas de simples postures différentes du corps que des images photographiques pourraient rendre, c'est une réelle déformation, et le monde, pour qui habite ce corps, est chaque fois différent (pour ceux qui n'ont pas liquidé l'âme).
Dans l'écoute, on prête son oreille. A tel moment, mes pieds, que j'avais oublié pendant des jours, me réclament et je me mets à leur couper les ongles avec ceux de mes doigts. A tel autre, seul mon coeur existe. A tel autre encore, mon sexe. Chaque bout, chaque organe, nous ouvre à une réalité différente : le monde est différent, nous sommes différents, notre comportement est différent, nos pensées, nos productions, et notre image aussi.
On parle d'écouter de la musique, on parle d'angoisses, on parle de sexe. Autant de "déviances", autant de comportements à laisser dans l'ombre, au profit d'une image toujours semblable, posture de spectateur, de l'autre comme de soi-même, posture d'un spectateur finissant par ne plus que se regarder lui-même, en posture de spectateur, tout entier yeux et conscience.
La socialité c'est d'abord, en commun, être les mêmes organes, ou les échanger comme dans le cas de l'écoute ou du sexe, ou encore, comme dans la discussion, tour à tour échanger les mêmes organes.

lundi, avril 09, 2007

Rire et sexe

Le rire et le sexe sont les principaux vecteurs de normalité.
Le rire inclut ou exclut.
Le sexe transforme des cultures entières.
Il y a le plaisir, aussi, mais l'intéressant du rire et du sexe, c'est qu'ils ne sont pas pur plaisir, ou confort : l'un est règle, l'autre est loi.
Le rire et le sexe prennent de plus en plus de place. C'est un phénomène majeur, si majeur que beaucoup les respectent, sans même penser à les dire.
Ou, comme dirait Belhaj Kacem, aussi fort que le prêtre "Ridicule" : le principe du "joueur" est de comprendre les règles, de se les dire et non les dire, et de jouer avec elle, afin de (en s'imaginant) changer la loi. Sans embastillage aucun, bien au contraire.
Je sais, j'ai du mal à me passer d'un repère monolithe. La grande frivolité, la grande consumation, ce n'est pas pour moi.
Transgresser le rire, transgresser le sexe... et bien, bon courage !

Easy art

L'art c'est pas compliqué : d'un côté, un bonhomme produit quelque chose et trouve la personne qui va lui acheter. De l'autre, un bonhomme cherche à mettre en contact cette offre et cette demande, dans un lieu fait pour dont il détient les clés, réelles ou symboliques (décisionnelles). C'est pas marqué mais les discours, les touristes et les étudiants, c'est fait pour décorer, ils sont pris au pris au piège, instrumentalisés, par ce procédé. "L'art contemporain", un truc immensément français, se passe d'acheteurs, parce que c'est le lieu qui achète (les FRAC par exemple). Et oui, quand il n'y a pas le système commercial, il n'y a... rien !
Les choses ne se passent pas hors de soi, donc, et chacun peut transformer ce qui existe par ses propositions, en respectant, principe moral de longue date, les formes les plus élémentaires de la vie en société, les bonnes moeurs, être bien élevé diront certains, une question d'habitus, d'éducation, de respect des règles, dont vendre, chercher à vendre, est encore la primordiale (bien que parfois prise en charge par le distributeur qui sert de médiation).

Humain : soustraction des dispositifs techniques

Faut bien comprendre, aujourd'hui, toute l'importance du médiatique, toute la propreté du médiatique. Internet montre plus souvent de mélancolie qu'à la télé ; spectacle vivant celle-là encore, Internet c'est beaucoup des gens qui restent seuls chez eux, assis devant l'écran. On met des choses sur Internet comme dans une boîte à secret, une armoire à hontes, une boîte aux lettres magique adressée aux morts, et aux inconnus d'au-delà les mers. Intellectualisation purement technique, tout ça, qui interroge le corps, la vie, le temps, les rapports humains, l'autre, l'utilisation de ces techniques... comme on dit, la culture.

On peut rêver de ce que l'on veut, et vouloir ce que l'on veut, ça n'a de valeur que partagé, c'est-à-dire proposé au commun et accepté par les autres, qui rendent d'une manière ou d'une autre, en cliquant simplement, en faisant circuler, en parlant à propos, critiques et commentaires, en achetant, en vendant même. La communauté n'a peut-être jamais cessé d'exister, après-guerre c'est le pouvoir encore seul qui crée la société, relais espéré par la télé elle-même.

Fascination du primitif, de la matière, du sale, du pur qualitatif. Ça ne se vend pas, ça ne se partage pas, ça se vit encore moins en commun, à peine s'exprime, déjà. Hors le règne de la technique, le règne de l'image et du langage, des grammaires en tout genre, à se demander si le langage lui-même n'est pas phagocyté, très irrémédiablement.

C'est que je vis entre des écrans, diront certains, très habitués au rapport personnel mêlé de flicage, habitude réflexe, protection talisman, très proche des doigts en croix vade retro satanas que j'imagine moyen-âgeux, manière de se tenir entre les écrans des mois, pur habitus technique, ronde des personnes en comédie humaine sans rire, sans tragique et ni drames. Braves gens très transparents qui proposent bien le sexe et autres consommables. Braves gens avec lesquels on reste dans les superficialités sérieuses, sans rien derrière. "Le plus profond c'est la peau" mais je m'imagine la peau de si près que c'est déjà tout une vie, et plus encore, véritable palimpseste et non surface universelle unie, écran monochrome de platitude partagée, virginité commune d'être semblable et c'est chouette, humanisme du sans-soucis, peut-être même du sans-corps.

Les intellectuels se succèdent et nous les regardons. Il y aura bien des gens pour parler d'eux comme d'un spectacle vivant. Leur pensée est visuelle, comme leurs apparitions. Jeux techniques avec les discours, on suppose qu'ils s'amusent, qu'ils ne croient pas en ce qu'ils disent. Imaginaire technique très post-structuraliste et ironique à son égard, et Baudrillard s'est retiré de la scène, désespéré petit singe.

Nous savons que nous y sommes parce que nous entendons le bruit, sans même y penser. Le bruit et non des bruits, il n'y a que des sons, des sons et le bruit, la qualité du bruit indique l'espace où nous nous trouvons.

Depuis des décennies peut-être des siècles, comme s'ils projettaient devant ce qu'amassé derrière, dans l'ombre, non-dit et qui doit disparaître. La seule validité du partagé, de l'universel, du publicisé, du bien formé, formé selon des règles qui à défaut d'Etat sont celles de la communauté, un pouvoir très technique qui quand n'a pas de représentants les souris décrètent qu'on peut jouer avec, projet kantien purement démocratique, pouvoir du peuple sur le peuple, retour communautaire, plutôt perpétuation.

Exigeance de mise en commun, exigeance d'être quelqu'un, exigeance de se présenter et de s'exprimer, exigeance de faire. Des millions de producteurs, dans la joie et la bonne humeur, le stress et la panique, l'énervement que tout n'aille pas parfaitement.

Intellectualisation technique, des corps dressés. Mis en présence mais séparés, reliés par la communauté d'un bruit. Que tous les bruits, à chaque fois singuliers, non superposables, que tous les bruits se valent, qu'il faille faire avec, que ce n'est pas l'important, voilà un bon mensonge qui n'a de but que de détruire le goût en matière de bruit, en matière d'espace, en matière de communauté, afin de construire des mises en présence très pensées, afin de créer des communautés, qui ne marchent cependant que si les membres ont à échanger, et le peuvent, chacun poussant l'autre, dans ses demandes et ses attentes, à couler ses propositions dans des formes partagées.

Production des techniques, des formes partagées. Demande, obligation d'échanger. Avec qui devient la question primordiale. Avec qui et puis où, dans quel espace, au sein de quel bruit. Etouffement des communautés, seul repli et si douces. Paranoïa des grands ensembles, qui tendent à imposer leur règne, à ce que la technique dicte la conduite de toutes les dimensions de la communauté.

Quand cesse le bruit. Il faudrait garder tout le monde en place et faire cesser le bruit, le remplacer. Puis les lumières. Puis les écrans, les caméras, et toutes les surfaces, les images, et autres dispositifs techniques, comme le langage. Plonger le monde dans "le noir", "chaos", "néant", "primitivité", rien de tout cela bien sûr.

Les rabats-joies contents de leur vie, contents de leur monde, diront : c'est un effet de la campagne présidentielle, ne t'inquiètes pas, ça va passer. Tout souci est une maladie, c'est bien connu, pour les bouffons du roi, des communautés démocratiques décapitées. Ils ont raison, ils ont toujours raison. Effet de la campagne, effet de trop de temps devant les écrans, effets des pages webs parcourues, forcément, forcément, change ta vie et tu changeras, souris et tu verras le monde souriant, mais comment faire, alors là ils ont chacun leur petite recette, petit sésame pour entrer dans leur monde, donc aussi s'en exclure, si le besoin se fait sentir.

Le pouvoir, la médiatisation et les communautés ne diffèrent qu'en peu de choses. Faire abstraction du bruit, et autres éléments du dispositif, les soustraire un à un, ou inclure en soi le vide, un bruit bien à soi, sa voix en résonance sourde peut-être, ou plus profondément. On ne rencontre que ses semblables. Etranger peut-être parmi ces personnages de fiction, ou au contraire humain, primitivement humain, sensible au qualitatif.

dimanche, avril 08, 2007

Die Soziologie anhand von der Bibel

Les humains sont fascinants dans leur croyance. Non pas la volonté de croire, ni leurs peurs, et pas non plus les refus, les critiques et les interrogations au croire. Le croire, ce qu'il y a de plus positif, de plus profond et de plus durable en eux, soit leur culture, leur formation (moulage), leur imaginaire (inspiration).

mardi, avril 03, 2007

Si la différence de la différence n'est pas différence, alors l'attrait pour, la découverte et la valorisation de la différence n'a pas d'autre but que d'élever, valoriser et imposer ce qui ne diffère de rien. (Romantisme.)

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dimanche, avril 01, 2007

30 ans de scandales télévisuels français (Télévision et démocratie)

Archive datant de 1987, retraçant une histoire du scandale à la téloch depuis l'époque gaullienne. Que le "scandale" (mot que l'on n'utilise du reste presque plus, sauf quand ce sont les mêmes qui le font et qui nomment leur action telle) soit l'angle d'attaque trouvé pour parler de l'histoire de la télé, de son évolution, est déjà toute une histoire : la télévision à la fois comme appareil d'Etat et comme reflet de la société, deux pôles entre lesquels les acteurs qui y ont défilé se sont situés, dans leur perception. La dernière séquence montre un présentateur qui indique le virage pris à cette époque (il fut d'ailleurs viré pour l'avoir dit) : la téloch comme contre-pouvoir, disent-ils outre-atlantique, soit l'indépendance des journalistes, des travailleurs et dirigeants de la téloch, ce qui signifie qu'ils se placent, concrètement, à la fois contre le pouvoir d'Etat, et à la fois en situation de monopole de pouvoir décisionnel quant à l'image de la société qui sera donnée. Là-dessus se pointent, dans ce nouveau rapport, les publicités commerciales, pour bien marquer que la téloch est quelque chose qui "parle à". De manière générale, et les journalistes et présentateurs formés dans ces boîtes le confirmeront largement, "la télévision" devient un sujet actif, et non plus un média ou un instrument. Mais déjà, cette histoire du scandale des années 50 à 1987 montre (en restant devant l'écran) sa dégradation en tant que personne morale, et permet de poser cette question toute bête : n'y a-t-il pas un lien nécessaire entre "le reflet de la société", et même "la société" elle-même, et la mainmise d'un pouvoir centralisé, n'est-ce pas celui-ci qui garantit celle-là, non pas sous le régime de la protection, mais bien sous celui de la pure et simple existence ? De plus, si la télévision, en tant que personne morale, pouvait être perçue comme la médiation entre ce pouvoir et cette société, ne l'étant plus, peut-elle encore être considérée comme une telle médiation, et ce pouvoir existe-t-il encore réellement, et cette société, ou, par exemple, n'entretient-elle pas fictivement ce schéma pour continuer à se justifier en tant que "fée du logis" et reflet de quelque chose ? "Libérée", devenue active, selon un schéma rendu populaire au cours des années 60 et 70 mais sans doute déjà à l'oeuvre depuis longtemps, par exemple, au sein de la presse écrite, est-elle (encore) un point de convergence démocratique, c'est-à-dire là où se mettent en scène les conflits politiques, puisqu'elle n'est plus une personne morale passive, un terrain neutre mais chargé de ces questions ? Et, si elle ne l'est plus, si, devenue entreprise active, elle n'est plus que la mise en scène de ceci, vers quel(s) lieu(x) a reflué le conflit démocratique, en supposant que la "libération" de toutes les personnes morales et physiques n'ait pas supprimé ce conflit, au sein d'un cadre, recélant le pouvoir ou non, autant impensé qu'incritiqué, pacifié et sécurisé ; ou, pour le dire autrement, comment tous les éléments compris dans ce cadre, si "postmodernes" soient-ils, aux "skins" si scandaleux et si "rebelles" soient-ils, tendent à le perpétuer ?...
On notera la dette à la "méthode scolaire" stigmatisée ci-dessous. Tout provient de cette archive, et l'on pourrait débattre longuement de You Tube et des blogs, de la danse et des concerts, du théâtre et des manifestations, du pouvoir devenu sans doute très relatif du président de la république et de l'action des lois, de l'idée de ce qui est révolutionnaire dans les écrits de Deleuze, d'art et de sexualité, de recherche personnelle... il semble que ce qui pose question puisse être exprimé ainsi : toutes les différence dans une forme semblable ; que toutes ces différences glorifient "la vie", la jouissance d'exister, l'autre, libère les imaginaires, voilà ce que propose Maffesoli, par exemple ; que cette forme repose en dernière analyse "seulement" dans la technique ou bien dans la culture, si même on ne se pose pas la question de savoir si une culture ne serait pas telle que par l'intermédiaire de techniques, voilà ce que souhaitait aborder Baudrillard. Une grande forme vide, mais solide, à l'intérieur de laquelle les conflits n'existent pas : utopie tant politique que culturelle dans laquelle nous flottons, comme de paisibles baigneurs ou de tristes zombies, finalement, qui que nous soyons, nostalgiques du pouvoir centralisé, nostalgiques du futur.
Pays déprimant au possible, calme et conformiste, assis sur son passé, confiant en son futur. Pays aplati après la chute des Eglises, puis le politique et la morale ; pays croulant sous son histoire, abattu par l'Etat, "le plus froid des monstres froids". "Ravages", de Barjavel : nous sommes les morts gardés sous verre, mais vivants ; la panne d'électricité, pour nous ? Les pays d'Etats corrompus sont plus vivants, plus joyeux et plus stimulants, la vie y a encore un sens, et pas que la vie ; mobydickés par bien plus qu'un pouvoir, l'enfermement et l'ennui sont la règle ; il y a tant à détruire et à connaître qu'on est mort quand il faut bâtir ; certains parlent de "la terre", la vérité est que nous culpabiliserions d'y planter ne serait-ce qu'un pieu...

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Méthode scolaire : savoir, des savoirs que l'on intègre en apprenant.
C'est, avec ces éléments, raisonner, raisonner selon une rationalité apprise en apprenant.
Certains l'appliquent toute leur vie.

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L'indicateur de la pauvreté est de ne pas s'oublier.
(La pauvreté naît avec la conscience de soi.)

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