lundi, février 02, 2009

Photographies

Comment faire "sens" sans cadre, sans symbolique, sans regard (sans rien à montrer, sans objet), sans graphisme (dont géométrie) ? Autrement dit, sans rien qui établisse la légitimité d'une image à montrer, une image selon ces critères immontrables, dont les censeurs du moins se tairaient quelque peu.

Une image dont le sens ainsi cerné ne viendrait pas, abstrait de l'image. Dont l'attrait et l'attachement viendraient de cette qualité inestimable d'absence de sens.

Une image pour le rien, pour le vide, contre le sens. Saisie dans un non geste, un détachement, un membre délié et un regard ailleurs, une présence qui passe ; ce qui passe, par la photo, entre les deux humains, auteur et regardeur, et l'image médiation de leurs deux fugacités ; comme être à deux et regarder un point, ou deux.

Libérés l'un de l'autre. Peuvent commencer à se parler ; à s'écouter. Hors relations courantes, stress capture et panique, la tension sauvegardée jusqu'au creux de son absence.

A quelles images tenir sinon à celles qui ne se tiennent pas elles-mêmes ? Et celles qui ne montrent rien ; ni clin d'œil, ni la moindre référence.

Une photographie n'a pas de sujet. Est son propre sujet ; ou, ouverte, n'en capture pas, ouvre sur beaucoup de sujets. On n'en dira jamais assez du mutisme et du silence d'une photographie ; et c'est déjà trop.

Comme si le photographe était tout entier présent dans l'absence, au moment de la photo. Il nous convie à cette absence ; à cette présence ; il ne dit rien, ni geste, nous le rejoignons.

Une profondeur prend le pas sur la mélancolie. Être debout, face au monde, regarder de côté ; quelque chose comme cela (une posture romantique). Regarder une image, qui n'est plus un regard visuel, cérébral, émotionnel ; il repose le corps en lui-même en ne le convoquant pas ; jusqu'à le présentifier.

Les photos de Baudrillard se portent d'un long discours ; comme si les photos ne pouvaient exister sans discours ; les cartes postales ne se supportent d'aucun mot, comme si elles supportaient déjà et toujours d'être au dos vides (qui a jamais trouvé la bonne ? Il faudrait éditer les photos de Baudrillard en cartes postales).

De rares photos parviennent à rendre leur auteur impersonnel ; ni banal (interchangeable), ni expert (impersonnalité de la photographie). La fantômatisation rend compte d'une humanité commune.


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