lundi, décembre 15, 2008

Il est mort et c'est con : Claude Olievenstein

Claude Olievenstein est connu pour avoir fondé l'hôpital Marmottan en 1972, à Paris, un lieu où d'après ce que j'ai compris, les drogués étaient écoutés, accompagnés, compris, une sorte d'énigme à interroger plutôt que des malades à faire entrer dans de petits cadres. A Oliver Sacks les fous, à Olievenstein les junkies.

Moi je ne savais pas, et je n'ai jamais entendu parlé d'un tel hôpital. Pour moi, Olienvenstein ce fut d'abord, ensuite, enfin, peu de choses en fait, un petit bouquin à la bibliothèque du 3e, un vieux Points jauni intitulé "Le non-dit des émotions" (dont il n'existe pas d'image google).


Ce qu'il dit dans ce petit livre ne frappe pas tant par ses seuls propos que par son propos lui-même, par sa parole plus que par son discours. Le langage possède sa propre structure, dispositif de classification se reproduisant à loisir sur tous les objets. A l'opposé, lorsqu'il s'agit de dire ce que l'on ressent d'abord par les émotions, le langage bégaye et peine à dire ce qui tend à l'indicible.

Pour toutes les émotions, pour tous les domaines que touchent les émotions, le langage a son répertoire préconçu, fondé comme le sont les lieux communs. Ce serait là une part visible, publique, légitime, langue de bois n'engageant en rien et permettant à bon compte de prendre le dessus sur d'autres interlocuteurs, par le double fait de cette énonciation claire et de cette communité. Olievenstein en raconte au contraire la part invisible, comme une voix opprimé qui viendrait soudain à parler.

Pas de vertige du regard sur quelque gouffre, aucune perspective poétique sur l'indicible, Olievenstein raconte comme tiers ce qui ne se dit pas, de l'autre côté des miroirs sociétaux. Pas de système, pas d'église, tout juste une méthode d'appréhension de l'autre, un geste profondément humain de mise en parole de celui qui n'en a pas. Aucun lyrisme marginal dans son texte, mais des normalités qui sont énoncées, libérées, comme aucun geste transgressif n'y parviendra jamais, phagocyté par la différence. Comme une institutionnalisation de l'autre.

D'autres lecteurs peuvent avoir lu autre chose, mes yeux m'appartiennent. J'aime bien cette cartographie des raisons tues, contrées recouvertes par les égoïsmes, les vanités, les masques de ceux qui tiennent d'abord à faire bonne figure. Sentiment simplement d'avoir lu un livre important, petite montagne de photocopies où se glisse, enfin, une voix humaine.

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