jeudi, mars 12, 2009

Art contemporain, ou la construction de l'impunité

Sur Arte une émission, animée par Isabelle Giordano, sur l'art contemporain. D'un côté Aude de Kerros et une journaliste allemande, de l'autre Judith Benhamou et une jeune galeriste (?).

La première a un discours plutôt conservateur : le sens à travers la forme, l'esthétisme. Et puis cette manière de parler très moraliste, sorte de singe d'un professeur d'université.

La seconde est plus mordante et ses intentions ne sont pas du tout sur un plan moral comme de Kerros, plutôt, avec sa compère, sur l'établissement d'un plan de reconnaissance, une complicité séductrice ; elle est critique comme de Kerros, mais un autre type de critique, là où de Kerros tente une critique à l'ancienne, pleine de mots, de pensées, une véritable prise de tête, Benhamou renvoie à des faits, accessoirement Jeff Koons, comme le critique du système, c'est une critique au sein d'un système acritique, un système de reconnaissance, de séduction et de convivialité qui est ce qui, fondamentalement, est un peu détesté dans l'art contemporain par ceux qui le critiquent sans vraiment parvenir à le critiquer : comment "critiquer" un milieu plein de forces diverses, dont l'argent, quand on n'en a pas, quand les grandes valeurs dogmatiques de l'époque ne passent pas (plus) par soi ?

C'est un peu le problème de de Kerros. La critique de Benhamou, avec son Jeff Koons, est loin d'être une critique, c'en est presque de la flatterie ce que fait Koons ; il était une époque, sûrement, où la moindre entorse à l'image du roi conduisait au cachot, il en est une autre où bâtir la tombe de Pinaut en tant qu'œuvre commandée par lui conduit au pinacle (Cattelan) : mais au sein d'un monde bien codé, celui de l'art contemporain, où le roi, même enterré (rah ben on meurt tous un jour, n'est-ce pas), reste le roi (on peut se demander d'ailleurs si dans cette lointaine époque supposée-avoir-existé-tellement-je-n'y-connais-rien, écorcher l'image du roi n'allait pas avec un risque de chute pure et simple pour lui, quand Pinaut ne craint pas grand-chose).

Ce que de Kerros tente de dénoncer, c'est ce monde de l'art contemporain qui se bâtit dans la joie et la bonne humeur comme sur un nuage, celui des riches, pour faire simple, qui ne craignent rien ni personne, et surtout pas la critique d'une (mauvaise) artiste et (mauvaise) critique paraissant finalement passablement coincée, chiante, et tout ce que l'on voudra.

Ce qu'il faudrait, ce serait une sorte de force plus forte que celle de Pinaut, Koons, Cattelan et Cie. Capable de les renverser, mais sur un plan même loin d'être physique, même si s'y actualisant parfois (comme les élections présidentielles, par exemple…). Où, pour le dire ainsi, les valeurs dogmatiques de l'époque ne passeraient plus par eux, l'argent en premier lieu.

C'est cette obéissance à ces valeurs qui discréditent les propos de Benhamou et de sa jeune compère malgré leurs bonnes intentions affichées, envers l'art et les jeunes artistes notamment (on en connaît un autre, fonctionnant comme cela).

Ceci et cela les rendant toutes les deux aussi insupportables, j'ai préféré accepter la pizza avec des petits pois dessus qu'on me tendait gentiment dans l'autre pièce.


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