dimanche, mai 24, 2009

Etreintes brisées, d'Almodovar

Les personnages d'un film sont rassurants parce que, tout limités qu'ils sont comme nous, ils paraissent l'être davantage comme ils semblent clos, fermés, quand nous restons ouverts.

 

Un rapport au manque, peut-être, à la fois dans la conscience et dans le corps en totalité : les personnages sont des êtres pris, comme nous le sommes également, pris par un livre, un film, une relation sexuelle, une recette de cuisine, un jeu vidéo ou une conversation.

 

Le jeu de l'acteur, en ce sens, est d'être pris, ou plutôt de jouer à être pris. Pas dans le sens d'une représentation, d'un faire semblant, mais dans une distance qui ne cesse d'être conservée entre le corps qui est pris et le corps qui joue à l'être, entre le personnage et l'acteur, le rôle pour le film et le normal pour la vie courante. Cette distance, cette tension, relate le jeu de l'acteur.

 

Et c'est l'acteur qui rassure, en dernier ressort. C'est de voir cette tension à l'œuvre. C'est d'observer ces vas-et-viens, entre réel et irréel, simulacres et normalités, visible et invisible. Et plus qu'un va-et-vient : la tension qui les lie. Une tension non brisée.

jeudi, mars 26, 2009

Entre Randall Kennedy et Pap Ndiaye, une seule solution : fuir

    Conférence "Identité & minorité(s), La condition noire". Vila Gillet/Lyon 2, mercredi 25/03/09;

    Avec Randall Kennedy et Pap Ndiaye.


    Kennedy expose la distinction entre les courants pessimiste et optimiste quant à l'intégration des noirs dans la société américaine. D'un côté elle est considérée fondamentalement raciste, et plus loin inégalitaire, de l'autre elle est perçue comme pouvant s'élargir. C'est l'occasion pour Kennedy de parler de sa position idéologique : un optimisme prudent. Ce qui ne nous apprend rien des différents arguments, ni des diverses figures que les montages entre ces deux idéaux types donnent concrètement, tant ces deux positions sont caricaturées afin de mieux faire valoir l'option idéologique de Kennedy.


    Le propos de Ndiaye est idéologique, sans doute plus finement, en plus d'être ambigu. J'ai moins noté son propos que mes réactions à son sujet, tant m'apparaîtrait plus intéressante une analyse de son discours que son discours lui-même.


  1. L'homme-signe. On n'en sort pas : l'humain quantitatif au travers de stigmates (signes).
  2. Idéal progressiste : peint le pire et tente de l'améliorer. Ce qui s'opposerait à l'utopisme, qui décrirait le meilleur, soit théoriquement soit par quelques cas concrets, et tenterait d'en être à la hauteur ; seul l'utopisme permettrait de perdre les cadres d'interprétation de ce qu'il faut fuir, quand le progressisme tente de les aménager, y compris en se les réappropriant.
  3. Construction des USA comme l'idéal-type. On se demande le rapport avec la France. Cependant, et malgré tout ce qu'on nous raconte depuis qu'on est tout petit, Ndiaye passe son temps à sous entendre une analogie entre les USA et la France, décalquant ceux-ci sur celle-là sans trop se préoccuper, sinon de manière négative, de ce qui se passe en France (il enseigne en France, mais étudie les USA et prend là-bas toutes ses références et cadres théoriques).
  4. Peut-on réduire, assimiler, l'identité à la couleur de peau, tant dans une perspective sociologique, scientifique, que courante, idéologique ? Identité nationale, couleur de peau, origine : l'identité, la culture même (implicitement saisie à travers l'identité…), comprises à travers ces signes, ces stigmates. Une phrase m'interpelle : "dire qu'on est noir" : pourquoi le dire puisque ça se voit ? À l'inverse, c'est quoi "être noir" ? Quelle est cette création ? (L'identité collective est-elle une culture ?) A la fois Ndiaye construit cela, "être noir", et à la fois il affirme qu'il faut que la couleur de peau cesse d'être un marqueur social ; soit il est con, soit il ne se rend pas compte que ses cadres théoriques (l'école de Chicago) proviennent d'un contexte de forte différence sociale (Chicago était divisée en quartiers ethniques).
  5. Etrange même que des noirs parlent d'identité. Qu'y a-t-il de plus rétrograde que cette notion ?
  6. Il préfère la notion de minorité à celle de communauté, mais la différence est faible face à ce qui apparaît bien comme une sorte d'appel à une lutte identitaire, communautaire, même s'il s'en défendrait par son tour de passe passe, construisant "être noir" et souhaitant la fin des marqueurs sociaux par la couleur de peau.
  7. Il critique la France (les discours que l'on peut tenir d'ici) de cette manière : selon lui, ces discours souhaiterait éviter la domination des minorités qui prévaudrait aux USA. Il critique cela comme miroir repoussant. A croire qu'il ne vit même pas en France, vraiment. Pour lui, il ne saurait même pas y avoir de construction française, tout est en référence aux USA. Peut-être qu'à ne pas vouloir être français est-il devenu un bon petit américain, qui sait. Il critique aussi la France à l'aune du discours républicain, et autres schémas du même acabit où une grandeur commune recouvre et englobe les particularités, les différences.
  8. Ses petits tours de passe-passe théorique sur l'identité fine et l'identité épaisse (conception reprise à un américain -- non mais il est vraiment caricatural, cet homme, c'est tragique, un peu comme le réalisateur de la capture vidéo qui régulièrement cadrait des personnes noires dans le public) et identité choisie/ identité subie n'y feront vraiment rien.
  9. Il n'y a là rien qui ne remette en cause les cadres d'interprétation étasuniens. Et s'ils appartenaient fondamentalement aux distinctions, et donc dominations déjà, au moins dans l'imaginaire et/ou la subjectivité (racisme) ? Et pourquoi, étudiant et enseignant en France, 1) cherche-t-il à rabattre les USA sur la France, sans même s'en servir pour éclairer notre situation (il faudrait encore qu'il paraisse la connaître plutôt que sembler s'être réfugié dans le mythe américain), 2) n'aborde-t-il pas les USA avec des outils qui ne soient pas de leur contexte (français, par exemple, mais d'autres topos aussi bien) ?
  10. Je me suis demandé, accessoirement, s'il militait à l'UMP.
  11. Il faudrait écrire un texte sur la quotidienneté : "quand l'identité disparaît". Les marqueurs sociaux, c'est un peu comme la cigarette, il y en aura toujours (regardons les noirs qui arrivent à des postes de pouvoir en France, ils ont abandonnés une bonne partie des stigmates de ce qui fait un noir dans le regard d'un raciste tel qu'il se réfléchit dans leur discours, à ces noirs de pouvoir, sur les noirs…) ; et de même, ils s'oublient. Tout le problème de discours comme celui de Ndiaye, et cela renvoie en partie à son ambiguïté, c'est qu'au lieu de jouer la carte de l'oubli, c'est-à-dire faire passer autre chose au premier plan pour pouvoir oublier ces marqueurs sociaux, ils les marquent bien davantage, et préfère jouer la carte du conflit pour pouvoir les abolir (c'est pour ça que je le suppose de l'UMP, même si à l'époque de la décolonisation de telles pensées se posaient comme communistes, comme les khmers rouges, etc., c'est tout ce que cela m'évoque) : il élude le fait que ces marqueurs sont des signes dans le regard des acteurs, et que le conflit est auto justificateur puisqu'il renforce ces signes dans ces regards ; ce genre de geste, comme guidé par le ressentiment, ne supporterait pas de voir disparaître les signes qu'il combat, puisque porteurs seuls de lui et de son combat. Seul l'ancrage communautariste et la lutte pour la lutte, sans même les prétextes qui lui ont donné naissance, se présentent comme débouchés à un tel geste.

    Sorti de là avec le sentiment que les USA ont quelques décennies de retard, et que sous prétexte d'Obama (+ Sarkozy, ce qui n'est pas rien), la France risque de devoir les rejoindre dans la régression, en oubliant notre culture, nos modèles, nos sentiments, nos gestes. Quand les intellectuels sont en-deçà des faits, cela fait peur.

jeudi, mars 12, 2009

Art contemporain, ou la construction de l'impunité

Sur Arte une émission, animée par Isabelle Giordano, sur l'art contemporain. D'un côté Aude de Kerros et une journaliste allemande, de l'autre Judith Benhamou et une jeune galeriste (?).

La première a un discours plutôt conservateur : le sens à travers la forme, l'esthétisme. Et puis cette manière de parler très moraliste, sorte de singe d'un professeur d'université.

La seconde est plus mordante et ses intentions ne sont pas du tout sur un plan moral comme de Kerros, plutôt, avec sa compère, sur l'établissement d'un plan de reconnaissance, une complicité séductrice ; elle est critique comme de Kerros, mais un autre type de critique, là où de Kerros tente une critique à l'ancienne, pleine de mots, de pensées, une véritable prise de tête, Benhamou renvoie à des faits, accessoirement Jeff Koons, comme le critique du système, c'est une critique au sein d'un système acritique, un système de reconnaissance, de séduction et de convivialité qui est ce qui, fondamentalement, est un peu détesté dans l'art contemporain par ceux qui le critiquent sans vraiment parvenir à le critiquer : comment "critiquer" un milieu plein de forces diverses, dont l'argent, quand on n'en a pas, quand les grandes valeurs dogmatiques de l'époque ne passent pas (plus) par soi ?

C'est un peu le problème de de Kerros. La critique de Benhamou, avec son Jeff Koons, est loin d'être une critique, c'en est presque de la flatterie ce que fait Koons ; il était une époque, sûrement, où la moindre entorse à l'image du roi conduisait au cachot, il en est une autre où bâtir la tombe de Pinaut en tant qu'œuvre commandée par lui conduit au pinacle (Cattelan) : mais au sein d'un monde bien codé, celui de l'art contemporain, où le roi, même enterré (rah ben on meurt tous un jour, n'est-ce pas), reste le roi (on peut se demander d'ailleurs si dans cette lointaine époque supposée-avoir-existé-tellement-je-n'y-connais-rien, écorcher l'image du roi n'allait pas avec un risque de chute pure et simple pour lui, quand Pinaut ne craint pas grand-chose).

Ce que de Kerros tente de dénoncer, c'est ce monde de l'art contemporain qui se bâtit dans la joie et la bonne humeur comme sur un nuage, celui des riches, pour faire simple, qui ne craignent rien ni personne, et surtout pas la critique d'une (mauvaise) artiste et (mauvaise) critique paraissant finalement passablement coincée, chiante, et tout ce que l'on voudra.

Ce qu'il faudrait, ce serait une sorte de force plus forte que celle de Pinaut, Koons, Cattelan et Cie. Capable de les renverser, mais sur un plan même loin d'être physique, même si s'y actualisant parfois (comme les élections présidentielles, par exemple…). Où, pour le dire ainsi, les valeurs dogmatiques de l'époque ne passeraient plus par eux, l'argent en premier lieu.

C'est cette obéissance à ces valeurs qui discréditent les propos de Benhamou et de sa jeune compère malgré leurs bonnes intentions affichées, envers l'art et les jeunes artistes notamment (on en connaît un autre, fonctionnant comme cela).

Ceci et cela les rendant toutes les deux aussi insupportables, j'ai préféré accepter la pizza avec des petits pois dessus qu'on me tendait gentiment dans l'autre pièce.

lundi, février 02, 2009

Photographies

Comment faire "sens" sans cadre, sans symbolique, sans regard (sans rien à montrer, sans objet), sans graphisme (dont géométrie) ? Autrement dit, sans rien qui établisse la légitimité d'une image à montrer, une image selon ces critères immontrables, dont les censeurs du moins se tairaient quelque peu.

Une image dont le sens ainsi cerné ne viendrait pas, abstrait de l'image. Dont l'attrait et l'attachement viendraient de cette qualité inestimable d'absence de sens.

Une image pour le rien, pour le vide, contre le sens. Saisie dans un non geste, un détachement, un membre délié et un regard ailleurs, une présence qui passe ; ce qui passe, par la photo, entre les deux humains, auteur et regardeur, et l'image médiation de leurs deux fugacités ; comme être à deux et regarder un point, ou deux.

Libérés l'un de l'autre. Peuvent commencer à se parler ; à s'écouter. Hors relations courantes, stress capture et panique, la tension sauvegardée jusqu'au creux de son absence.

A quelles images tenir sinon à celles qui ne se tiennent pas elles-mêmes ? Et celles qui ne montrent rien ; ni clin d'œil, ni la moindre référence.

Une photographie n'a pas de sujet. Est son propre sujet ; ou, ouverte, n'en capture pas, ouvre sur beaucoup de sujets. On n'en dira jamais assez du mutisme et du silence d'une photographie ; et c'est déjà trop.

Comme si le photographe était tout entier présent dans l'absence, au moment de la photo. Il nous convie à cette absence ; à cette présence ; il ne dit rien, ni geste, nous le rejoignons.

Une profondeur prend le pas sur la mélancolie. Être debout, face au monde, regarder de côté ; quelque chose comme cela (une posture romantique). Regarder une image, qui n'est plus un regard visuel, cérébral, émotionnel ; il repose le corps en lui-même en ne le convoquant pas ; jusqu'à le présentifier.

Les photos de Baudrillard se portent d'un long discours ; comme si les photos ne pouvaient exister sans discours ; les cartes postales ne se supportent d'aucun mot, comme si elles supportaient déjà et toujours d'être au dos vides (qui a jamais trouvé la bonne ? Il faudrait éditer les photos de Baudrillard en cartes postales).

De rares photos parviennent à rendre leur auteur impersonnel ; ni banal (interchangeable), ni expert (impersonnalité de la photographie). La fantômatisation rend compte d'une humanité commune.

samedi, janvier 24, 2009

Ligne dure, des hommes mobilisés/Evènement et émotion/Systèmes performatifs et transports.

    Catalogue sfr janvier-mars 2009, en note : "le téléchargement nuit à la création artistique".

  1. Créer nécessite de l'argent ;
  2. Nécessité d'un formalisme de la diffusion ;
  3. Ignorance feinte des circuits de redistribution de l'argent, évidence capitaliste (ceux qui investissent le plus récupèrent proportionnellement le plus, logique de l'argent parfois vaguement contrebalancée par celle de l'image (investissement spectaculaire)).

  4. Ce genre de propos est typique d'un système performatif. C'est une affirmation qui lui permet de s'imposer.


    Elle ne tient pas rationnellement. Il suffit (il faut) y croire, la répéter. Sur le plan de la raison, elle apparaît de manière indécomposée : une image de surface.


    Jouer la critique et la raison contre l'apparaître d'une image en surface, c'est jouer deux systèmes de rapports à l'image, aux mots et à la conscience l'un contre l'autre.


    Au fond les réactions face à une telle phrase ne peuvent qu'être d'approbation ou de désapprobation, et chacune marque son camp. Recevoir cette phrase et y répondre, c'est être stigmatisé, il n'y a pas de dialogue possible ; on ne peut que la laisser en suspens : suspendre son apparaître.


    Ne se laisse pas décortiquer comme n'a aucune profondeur, elle n'ouvre sur rien. Seulement enregistrer ce genre de phrases, déjà, c'est l'approuver : c'est l'intégrer dans une représentation des choses. La suspendre, c'est la mettre en doute silencieusement ; en l'ôtant de ses effets (immédiats), on arrête et dévoile un temps le système qui passe clandestinement avec elle.


    Dans ce suspens d'autres phrases peuvent être trouvées, des choses s'agréger et construire un autre ensemble, d'autres désirs s'éveiller, d'autres forces se lever. Le martelage incessant sans suspens possible, par un réquisit du corps et de l'esprit de tous les instants, permet l'instauration d'un système performatif, qui s'installe d'abord sur l'écran des consciences, supprimant du reste tout ce qui ne relève pas en elles d'une seule surface immédiate. Dans une telle immédiateté et un tel manque de temps, la technique du retournement, bien enseignée par Nietzsche, peut être utile.


    La différence entre ces différentes façons de réagir face à l'image (toute tenue face à elle est déjà réaction, en ce sens que l'image est ce qui ne laisse pas indifférent, est formatif sans forcément être performatif) se relève dans l'affect. De prime abord les différences insurmontables sont des différences affectuelles. Stigmatisante les uns pour les autres, l'émotion est aussi vecteur d'incommunicabilité, sauf à éprouver la même ; comme ces japonais en réunion accordant leur souffle en leur début, il faudrait de même s'accorder l'émotion ; de là aussi le peur de la foule, et si le nazisme était une mascarade perçue comme telle par ses supporters mêmes, n'y en allait-il pas d'un désir et d'un plaisir de jouer une émotion collective(ment), à l'époque où l'on découvrait la foule prenant conscience d'elle-même, la mode populaire, la sécurité sociale, les vacances, la propagande de masse ?


    Cela demande beaucoup d'efforts et la faille d'un sourire pour aller chercher l'autre dans ses affects depuis un poste à ne pas déserter. Effectuer comme le mouvement d'un pli : rabattre l'autre sur une position choisie en l'emmenant par sa propre force suivant une rainure imposée. Cela demande aussi une distance vis-à-vis de son propre affect et de ses propres images, tout en étant bien plus ancré encore dans sa raison que si cette distance n'était pas.


    Par la saisie de l'affect et de la différence qu'il entraîne, une véritable herméneutique peut être menée afin de déconstruire l'autre. A n'en pas finir, tant l'évènement producteur des affects, dans ses résonnances de ceux-ci, ne se laisse pas réduire. La compréhension tourmentée du tourbillon que cela entraîne n'ouvre qu'à un "je ne sais pas" qui aimerait en finir en se prenant la tête, si celui qui comprend n'est pas en même temps un actif engagé dans un rapport tout en tournant autour de son axe (la rapport entre ce tournis et cette compréhension a-t-il à voir avec la ligne serpentine caractérisant chacun d'après Léonard de Vinci ? N'est-ce pas, du moins, ce qui fait que l'on apprécie quelqu'un ou pas (et ce qui caractérise aussi l'ennemi), dans le rapport de ce rapport avec le nôtre ?).


    Les systèmes performatifs valent comme évènements. Ils en appellent à nos affects et nous interpellent dans notre marche. Remettant en cause notre rapport à nous-mêmes, notre rapport à autrui, ils cisèlent autrement les lignes de partage. Entre la neutralité parfaite et le traumatisme aigu, des transports viennent s'occuper des humains, ils les empruntent pour passer à travers l'évènement, y survivre, continuer, et c'est encore à travers eux qu'ils mènent un rapport à eux-mêmes et aux autres. L'évènement retravaille ces transports, comme moyen terme entre une conservation (de soi, des autres pour soi, de tous les rapports en place au moins subjectivement) aussi innocente que têtue, et une tendance néantisante à "évider le vide" (Blanchot).


    Les transportés sont orientés vers des bornes payantes, priés d'obtempérer, et de trouver, on les leur fournit s'il le faut, les images et les affects nécessaires à leur obéissance. Cette manne servira à la "création artistique", permettant cet ordonnancement. Des ensembles, organisés par personne, s'occupe de tracer les frontières des sois et des groupes. La "création artistique", contemporaine de la décoration et autres arts d'ameublement, a pour charge dans ce contexte d'ambiancer cet état de fait, que structurent les entreprises, surveille l'Etat et protègent les polices.


    Une fois prochaine, peut-être : "Ligne douce, les autonhommes/Possibles et création/Autodéfinitions des transports, revisiter la formativité". Une autre fois encore, si je le veux, une sorte de synthèse, quand les deux lignes se rencontrent autour de l'objet.

jeudi, janvier 22, 2009

Nothing new under clouds

Des gamins de 13 ans n'ont jamais entendu parlé d'Hitler, la seconde guerre mondiale ne leur évoque rien, "nazi" n'est que l'un des multiples mots qui leur échappent et qu'ils ne notent même plus dans les discours ambiants, "juif" ne renvoie au mieux qu'à l'Etat militaro-théologique d'Israël.

De l'autre côté l'ambiguïté existe, cependant. Cette guerre sera-t-elle enfin rangée au rayon du passé quand on cessera de dire "ancien déporté à Auschwitz" ? Mais ces gamins n'en parleront même plus...

Pourtant,pourtant, si le pathétique cédait la place à la mémoire, si l'on cessait ce lyrisme sur le sujet des camps, qui ne touche pas tout le monde surtout au-delà des gens de bonne famille comme un affect qu'on se repasse de génération en génération (ah le poids des affects dans les différences culturelles, les ignorances et les incompréhensions !), l'évènement, ses significations et ses conséquences, pourraient peut-être être un peu mieux partagés...

Car franchement, qui peut croire en dehors de cet affect qui ne s'interroge pas, qu'il pourrait y avoir des déportés à Auschwitz actuels, nouveaux, futurs ?

L'équipe de France de football est ancienne championne du monde, comme Jelinek une ancienne prix Nobel et Giscard d'Estaing un ancien président. Mais Auschwitz, c'est du passé. Et ça en arrange certain de laisser planer l'idée que ce n'est peut-être pas fini, au moins quand on regarde par une fenêtre vide on ne voit pas ce qui passe à l'arrière de la maison. C'est comme d'occulter le caractère fondamentalement carnavalesque du nazisme, n'est-ce pas.

En plus Auschwitz c'est même pas fun, y'avait pas de soldes ni d'hamburgers (ahahah) et la mode était pérave.

lundi, décembre 15, 2008

Il est mort et c'est con : Claude Olievenstein

Claude Olievenstein est connu pour avoir fondé l'hôpital Marmottan en 1972, à Paris, un lieu où d'après ce que j'ai compris, les drogués étaient écoutés, accompagnés, compris, une sorte d'énigme à interroger plutôt que des malades à faire entrer dans de petits cadres. A Oliver Sacks les fous, à Olievenstein les junkies.

Moi je ne savais pas, et je n'ai jamais entendu parlé d'un tel hôpital. Pour moi, Olienvenstein ce fut d'abord, ensuite, enfin, peu de choses en fait, un petit bouquin à la bibliothèque du 3e, un vieux Points jauni intitulé "Le non-dit des émotions" (dont il n'existe pas d'image google).


Ce qu'il dit dans ce petit livre ne frappe pas tant par ses seuls propos que par son propos lui-même, par sa parole plus que par son discours. Le langage possède sa propre structure, dispositif de classification se reproduisant à loisir sur tous les objets. A l'opposé, lorsqu'il s'agit de dire ce que l'on ressent d'abord par les émotions, le langage bégaye et peine à dire ce qui tend à l'indicible.

Pour toutes les émotions, pour tous les domaines que touchent les émotions, le langage a son répertoire préconçu, fondé comme le sont les lieux communs. Ce serait là une part visible, publique, légitime, langue de bois n'engageant en rien et permettant à bon compte de prendre le dessus sur d'autres interlocuteurs, par le double fait de cette énonciation claire et de cette communité. Olievenstein en raconte au contraire la part invisible, comme une voix opprimé qui viendrait soudain à parler.

Pas de vertige du regard sur quelque gouffre, aucune perspective poétique sur l'indicible, Olievenstein raconte comme tiers ce qui ne se dit pas, de l'autre côté des miroirs sociétaux. Pas de système, pas d'église, tout juste une méthode d'appréhension de l'autre, un geste profondément humain de mise en parole de celui qui n'en a pas. Aucun lyrisme marginal dans son texte, mais des normalités qui sont énoncées, libérées, comme aucun geste transgressif n'y parviendra jamais, phagocyté par la différence. Comme une institutionnalisation de l'autre.

D'autres lecteurs peuvent avoir lu autre chose, mes yeux m'appartiennent. J'aime bien cette cartographie des raisons tues, contrées recouvertes par les égoïsmes, les vanités, les masques de ceux qui tiennent d'abord à faire bonne figure. Sentiment simplement d'avoir lu un livre important, petite montagne de photocopies où se glisse, enfin, une voix humaine.

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