mercredi, décembre 06, 2006

Images et existence

Nous passons le plus clair de notre temps avec des images en tête. Des images de toutes sortes, certaines ne venant qu’une seule fois, d’autres étant des variantes sur une même forme, d’autres encore étant surtout des mots, une ou des phrases valant comme idée et nous marquant, nous interpellant comme telle, et au moins un autre type d’images nous vient encore à l’esprit, des images toujours semblables, qui nous hantent. De ces dernières, comme des autres, il importe peu de savoir si ce sont des souvenirs particulièrement signifiants, des désirs, des délires de ce que nous avons vu ou lu, ou quoi que ce soit d’autre. Elles viennent et reviennent dans notre tête, comme les autres finalement, mais semblent plus évidemment provenir d’une profondeur nécessaire. Ce sont des images, mais peut-être seulement la première fois, car dès la deuxième, et petit à petit, c’est tout un décor, avec des sensations, avec une histoire (bien que chez moi ce ne soit encore à peu près que des images), qui se dessinent, et que l’on imagine couramment. Par exemple, je m’imagine assez facilement, une image qui semble répondre à la question où être, y compris dans le sens du futur, être dans la nature, dans un rapport intégré aux éléments, un peu comme Thoreau à Walden mais sans le travail. Je pense au suicide, aussi, ça m’arrive. Ou à être clochard. Je ne dirai pas que tout le monde pense aux mêmes choses, cette affirmation vaut surtout pour éviter d’aborder la question. Nous avons l’habitude des images qui nous viennent en tête, certaines nous sont vraiment tellement courantes, et d’autres tellement fugaces, que nous ne pensons même pas voir là quelque chose de particulier, de particulier comme un évènement, ce genre de choses qui n’apparaît qu’une fois avant la mort. Pourtant, ce serait absurde de les considérer comme insignifiantes. Elles prennent du temps, de la place, et à revenir ainsi se gravent en nous. Sûrement que notre futur peut être conditionné par la prise de conscience des images qui nous traversent la conscience, mais sans doute en est-il ainsi même sans cette prise de conscience. Car peut-être au bout du compte se dira-t-on que les choses auraient pu être autrement si toutes ces compagnonnes de route avaient été différentes. Mais nous avons tellement la certitude, enfin moi en tous les cas, d’avoir plusieurs vies devant soi, et donc non seulement autant d’images possibles qu’il en existe, mais aussi plusieurs choses très différentes que l’on pourrait faire, comme si une vie ne permettait pas de produire seulement quelques fades bidules. Tant de glose sur tout cela alors qu’on a peine le temps de comprendre de quoi il en retourne que déjà on crève comme des merdes. Il faut vraiment s’imaginer avoir plusieurs vies, aller au paradis, produire pour ceux qui arriveront ensuite, ou je ne sais quoi encore, pour se bouger un minimum ou au contraire rester tranquille à ne rien faire ; pas produire pour soi, non, pas pour moi, moi laissé à moi-même je tombe et sombre bien vite. Tout se passe comme si tout ce que nous comprenions nous comprenait en retour, comme si ce que nous croyons avoir saisi, nous avait en fait, ou tout autant, saisi nous-mêmes. J’ai l’impression (et je me vois tel, bien dans mes vêtements confortables, tout à l’intérieur de moi-même, la tête baissée, marchant d’un pas lent et cadencé guidé dans son rythme par mes pensées) de poser des petits cailloux tout le long d’un large cercle dans lequel je ne sais comment entrer, et en dehors duquel, fondamentalement, rien n’a vraiment d’importance, tout pourrait être sacrifié. J’ai l’impression d’être de plus en plus vide. Au fond, il semble que je crois que ce qui ne peut être pensé, ou plus précisément ce qui ne peut se mettre en mots, n’a pas à exister ; il paraît qu’il n’y a pas de mots pour la perte, on ne peut que la ressentir ; il faut tuer les sentiments, de toute façon on a déjà tout perdu. La consistance d’une vie, ça tient dans quoi ? Ah, si seulement il y avait quelque chose, ou quelqu’un contre qui lutter.

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

JE T'AIME!

(une admiratrice hyper anonyme!)

8:21 PM  

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