samedi, mai 05, 2007

Confiance ; la joueuse

Tout dispositif, au sens où il met en confiance, au sens de Belin, est un dispositif qui, tel que perçu par celui qui est en confiance, soit retire du reste du monde, et fait comme une sorte de niche qui entre dans un rapport totalement relativiste avec le reste du monde, considéré comme un ou comme un ensemble d'autres niches, soit comme un dispositif de dominants, qui offre une domination sur les autres dispositifs considérés comme d'autres positions à l'intérieur du même monde, du même champ plutôt.

On ne peut vivre qu'en intégrant dans notre perception le dispositif dans lequel nous nous trouvons sous l'un ou l'autre de ces deux auspices. Et ce que Becker nomme improvisation, c'est notre jouissance au sein du dispositif, notre jouissance du dispositif ; la jouissance étant ce qui marque l'appartenance, désigne l'assignation à résidence (certaines jouissances sont impossibles, d'autres, pas forcément les notres, phantasmées, même en proie à une peur panique : la jouissance réunit les partenaires d'un même dispositif qui s'étend bien au-delà d'eux ; la peur panique en question dénote un dispositif dans lequel nous sommes pris et dont nous voulons sortir ; la jouissance en question, nous tuerions ses participants, pas par jalousie, mais parce que nous souhaitons effectivement tuer en nous ce dispositif dont nous ne voulons plus, quitter ce champ dans lequel nous n'avons plus confiance).

Les techniques de survie, que Nietzsche a commencé à introduire, n'ont pas d'autre but que de constituer des dispositifs qui soient des niches à part, ou de faire en sorte d'occuper une position dominante dans un champ à trouver.

La pensée ''critique'', à tendance paranoïaque, butte sur ce fait : s'il n'y a pas mort, il y a retrait ou domination. Elle ne comprend pas cela car elle fait corps avec ce qu'elle combat : l'extension d'un seul champ, la vulgarisation d'un seul dispositif, dont la "démocratisation" n'est qu'un exemple.

Au passage : certains s'en prennent aux femmes, car c'est elles qui, gardiennes des dispositifs, veillent à ce que les moutons restent enfermés, reconduisant la confiance quand bien même tout montre qu'elle a disparu. Mais on peut aussi remarquer, à l'inverse, que les sentiments maternels se perdent, sous l'effet notamment de nouveaux dispositifs à accepter, à intégrer de force s'il le faut (la séductrice, la prostituée, la femme d'affaire, l'actrice porno). Et si leur nouveau rôle était d'introduire à de nouveaux dispositifs voulus, nés des acteurs eux-mêmes ? (Lou Andreas-Salomé, la femme de Mahler, les nièces du Baron, et j'en passe.)

Ne pas vouloir quelque chose, ne pas le désirer. Une action. Comme s'il y avait le choix. Les habitudes et les inhibitions prennent le dessus.

On dirait que c'est un jeu, d'accord ? Nous n'avons pas le choix, il nous faut le désirer. Il nous faut nous débrouiller pour le désirer. Nous pouvons introduire des éléments qui ne sont pas dans la boîte de jeu, les règles sont suffisamment simples pour être augmentées de multiples règles informelles. Elles ne stipulent qu'une action bête, sans préciser ses modalités.

La séductrice fait tout pour ne pas jouer. La femme d'affaire décide que cela ne sert à rien, elle n'a que du mépris pour le jeu. La prostituée accepte tout sans le vouloir, sans le désirer, sans l'aimer. L'actrice porno aime tout avant même de faire quoi que ce soit. La joueuse est très différente d'elles quatre. Elle est leur résorbtion, leur antidote. Elle est développement, sans cesse recommencé, sans cesse borné, succession de vies et de morts (elle diffère donc de la copine et de la mère), phoenix polymorphe ontologiquement vide, néant, pur possible. Sans être ni sainte ni ogresse, elle emprunte pourtant aux deux, pour la bienveillance de l'une et le sans limites de l'autre. Elle appartient toujours à la situation, au jeu qui se joue, sans être schizophrène. Elle appartient aux "installations", soit "explicitations esthétiques de l'encastrement" (Sloterdijk, Ecumes, 471). Elle est reine du faux, la plus vraie, actrice sincère et non attribut des situations, ni pute ni actrice. Elle a dépassé tout féminisme depuis longtemps, elle est à la fois libre et perdue, infondée, nomade, une ontologie uni-sexe.


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