dimanche, mai 06, 2007

18h50-19h50 Minuit là-bas

Il doit être minuit là-bas et ici les gens (on dit comme ça, maintenant, les gens, et pas les français, encore moins les citoyens, ou mes compatriotes), les gens, le public, les consommateurs d'un feuilleton dont ils ont été appelés à écrire le dernier épisode, comme la vieille elle disait, hier, "elle a aucune chance, c'est sarko qui va gagner, il faut voter sarko", les gens, cette masse d'abrutis à sabrer d'un revers en guillotine tranchante, ont encore une heure, deux dans la plupart des villes, pour aller faire basculer un brin la balance en ses plateaux même alourdie, un tout petit peu, un rien de rien, pas comme ces débiles profonds, euthanasiés, même qui jouant le jeu d'une représentation enterrée aux os bien rongée, ne se reconnaissent pas dans ces deux gens bons là, et voudraient voter blanc, abrutis, ne comprenant pas qu'un face à face n'est qu'une élimination par trop brutale.

Il est minuit là-bas et ici c'est l'angoisse. Une angoisse défaitiste au rire désespérée, depuis deux ans déjà, ou plus encore, qui saurait le dire, le temps passe trop vite, il y a trois ans déjà on le trouvait trop présent, le bonhomme. Pays de zombis à l'atterrante romanité, pris dans le flot d'un spectacle collectif, d'un imaginaire politique, et plus encore que politique. Pays de robots pseudo-réflexifs, chacun pris dans les rets d'une intelligence artificielle, de schémas logiques de stratégies non par eux construites, participants du spectacle, des ramasseurs de balle, guichetiers, votant par sms, ou spectateurs conscients assis dans les tribunes.

Il est minuit là-bas et on espère que les sondages sont vraiment truqués jusqu'au bout, jusqu'au trognon du fin fond du cul profond, ou que les gens ont sincèrement répondu le contraire de ce qu'ils ont urné. Il est midi de l'autre côté où des français bernés voient dans l'un le changement, dans l'autre l'immobilisme. Midi où l'on stigmatise une population d'un pays décentralisé qui se moque de son sommet très sommairement exécutif.

Il a fait beau et chaud, aujourd'hui, mais pas trop. Quelques nuages, un peu de vent. Un temps à rester stoïque, mais le soleil couché les gouffres de la consternation s'entrouvrent. Ne pas écouter les logorrhées plates de cerveau lénifiés qui couvriraient n'importe quoi.

La France d'en bas, les bouseux, les populos, les vieux trop seuls, les jeunes cons, les aspirants winners, ces Sean Penn d'une assassination of Richard Nixon sans stimuli rebelle. Cette France moche semblable à celle de Louis-Fer' dans ses quartiers pourris. Une masse de guedins mis en joue par le pouvoir et qui en redemande, s'ébrouant dans sa merde.
Les rares grésillement par ici sont ceux des chers tasers, si ces gadgets fonctionnent encore. Il y a du champagne au frigo, aussi, un peu pour oublier.
On voulait bien changer les choses, un peu, dans ce pays. La situation est grave, mais pas désespérée. Maintenant...

Maintenant qu'un imaginaire sociopathe et pas que sociopathe s'est emparé des lieux, le recouvrant d'une chape qui peut bien nous faire peur. On l'aime bien, ce pays, on est pas des Noah qui ont "plusieurs options" et plaignent très sincèrement ceux qui n'en ont pas. Guedins qui ont des "options" et qui n'ont même que ça, si seulement il était question de faire un peu autre chose. Aller crier hurrah au sein de la nba, chanter des chansons niaises et faire son beurre en venant parler trois secondes n'a jamais fait peur aux loups. Le pcf pouvait faire peur, mais aucun communiste n'a été président, en France. Et jamais le communiste n'a été aussi peu combattu que cette droite dans ce pays.

On se plaignait d'un manque d'action, on se plaignait que la guerre, seule réalité de l'Europe, même et surtout exportée, n'ait plus lieu, et la voilà peut-être pour bientôt, à nouveau, peut-être localement généralisée chaque fois, revenue. Chouette alors. Qu'est-ce qu'on se f'sait chier. Un peu d'action. A rater le coche d'instaurer la joie voilà ce qu'on récolte. Quand personne parle y'a toujours un ou deux connards qui lèvent le doigt pour dire ce qu'il ne fallait pas dire, les seules réponses évidentes, ce qu'il y avait avant, les vieilles habitudes que l'on avait heureusement perdues.

Je n'ai aucun doute sur le merveilleux monde qu'un tel président pourrait nous apporter. S'il est conforme aux souhaits de Sarkozy, il pourrait même ne pas être trop invivable, pour qui ne meurt pas de faim, n'est pas en situation irrégulière, et autres éléments qui stigmatisent dans une marge raclée à fond d'espoir, même pour un moment seulement, tous ces mauvais moments mauvais endroits. Mais le pire n'est pas là. Que personne ne le voie, c'est là le problème. Que l'on analyse cette horreur qui nous est promise, cette imaginaire drainé, et que l'on arrête de faire les opposants, les critiques, cela ne sert à rien. Un bassin sémantique s'érode ou passe dans un autre, avec ses affluents, notamment, dit l'autre. S'opposer, cela s'appelle la guerre, pas de la critique. On peut aussi comprendre, sans critique, jusqu'au bout, ce qui nous tombe dessus, et sans cesse trouver des armes, dans cette fuite vers le vide, jusqu'au creux de cet imaginaire fondé sur la simulation, sans imagination, de simples structures très désymbolisées. Et quand bien même il y aurait des symboles.

On se demande où l'on est, et peut-être que seul un évènement nous le montre. On le sent monter, on le sent venir, mais il ne reste jamais qu'un possible jusqu'à ce qu'il survienne. Pour mieux dire s'actualise.

Il serait temps de rêver, il serait temps d'actualiser tous les possibles qui ne surviennent pas, parce qu'il y en a beaucoup. Sarkozy lui n'a jamais hésité, il a foncé dans le tas, grand producteur de lui-même. On dirait qu'il connait bien Duchamp et Warhol, des instruments bien sûr.

Dans la rue une sirène de police. C'est leur Far-West à eux. C'est tellement cool d'avoir le monopole de la légitime violence. D'être habillé par Christian Lacroix. D'avoir la hiérarchie avec soi, et beaucoup plus encore.

Il doit être vers minuit où il fait encore chaud.

Des bonjours aux sourires.


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