Culture thérapeutique (imposition de soi)

C’est Martin Crimp (dramaturge anglais), hier soir dans Métropolis, qui parlait de la « culture thérapeutique » des américains. Si je me souviens bien, c’est une question d’imposition de soi. Il y a toujours moyen de s’imposer. Si l’on est soutenu par les autres, continuer dans la même voie (d’où le problème du soutien de ceux qui vont mal), et si l’on est combattu, retourner en positif ce qu’ils baptisent d’un signe négatif (ce qu’on appelle « assumer »). Ce n’est pas une culture de l’entente merveilleuse, de l’amour romantique, au contraire elle fait place au conflit, l’essentiel étant que le jeu ‘‘darwiniste’’ des impositions de soi aille son cours. Et donc, si d’imposition de soi il est question, c’est que ce qui importe c’est : soi. Pas moyen d’y échapper. Et, comme me demandait la chinoise dont je ne connais pas le prénom : pourquoi tu ne réponds pas ? Derrière l’appellation de « timidité », il y a le soupçon que l’on n’est pas, ou rien, en tous cas pas grand-chose. C’est ce que veut dire l’insulte « paille » : un être-au-monde naïf, sans savoir qu’il faut encore s’imposer, que l’on n’est rien ‘‘naturellement’’, ou plutôt que, ‘‘naturellement’’, on n’est rien, ceci pensé dans un détournement des apports de l’anthropologie moderne.

Cette « culture thérapeutique » est une technique. Du même ressort que des ‘‘recettes de cuisine’’ typiquement américaines, du genre : ‘‘pour aller bien, va bien’’, soit la performation. Il n’y a qu’à faire, il n’y a pas de questions, il n’y a rien en retrait, rien à faire venir, toute la profondeur germanique passe pour profondément suspecte, et une grande incompréhension (on se demande ce qu’elle cherche ; des chimères peut-être, n’est-ce pas ?), si ce n’est un mépris comme à l’encontre de tout ce qui est « inutile » ou superfétatoire, entoure la « délicatesse » française (et surtout chinoise, si l’on en croit Kou-Houng Ming, à qui je reprends le terme).

Cette technique vise à résoudre, donc sans poser de questions, simple action, simple faire comme quand quelqu’un est blessé, on recoud et puis voilà, ce qui ne cesse de poser question dans notre « vieille Europe » : le moi (et probablement tant d’autres choses avec, le moi n’étant peut-être pas la plus importante). Culture technique qui croit que mettre en question c’est faire advenir, c’est imposer, ce qui est bien différent de la technique socratique mais lui répond.