jeudi, octobre 04, 2007

Un surcroît d'art et de culture est-il signe d'un surcroît d'art et de culture ?

Une question reste quelque peu fondamentale : un surcroît d'art et de culture (une production de biens culturels, un accroissement du nombre de travailleurs dans ce secteur, un chiffre d'affaires en hausse -- et même dans le cadre d'une économie parallèle), est-ce signe d'un surcroît de civilité, de polissage, de citoyenneté, d'éducation, de "culture" comme certains le disent parfois ? est-ce d'abord signe d'une effervescence sans détermination précise, ni forme globale évidente, à moins peut-être après une analyse poussée ?

N'est-ce pas une grande justification de l'art et de la culture, sous nos latitudes, à la fois l'art et la culture comme moyens de salut, autant individuel que collectif (y compris comme nouvel art de gouverner la cité) ?

Répondre à cette question permettrait sans doute de résoudre une controverse larvée, l'explicitant. Elle donnerait une respiration nécessaire à tous ceux qui évoluent autour de l'art et de la culture, et offrirait à ceux qui sont chargés de produire des discours à son égard la possibilité de ne pas se plier, consciemment ou non, aux dogmes en vigueur, se limitant par là gravement dans leurs réflexions, et faisant le jeu, directement ou non, des pouvoirs prenant ces dogmes à leurs comptes.

Autrement dit, pour reposer la question :

un surcroît d'art et de culture est-il signe d'un surcroît d'art et de culture, ou bien cela cache-t-il tout un pan non perçu de ce qui se développe en même temps, le tout étant ce dont on observe un surcroît qui serait source de ces développements secondaires.

Ainsi on admet qu'aux frontières les trafics se développent. Ainsi on admet que l'effervescence économique est en particulier celle d'une économie souterraine, dans laquelle la morale et les lois n'ont que peu ou pas de place ; mais ailleurs, loin ; chez nous, au contraire, le pan public, respectable, est seul mis en avant, le reste est question de police, le projet politique, et l'idéologie qui le sous-tend, même s'il existe plusieurs projets politiques, occupe seul la place et la légitimité des discours.

On est encore dans l'illusion que le politique crée seul le monde sur lequel s'étend son pouvoir de droit, sans ironies, effets pervers, ni oublis. Voire qu'il va de soi que son projet peut parfaitement se réaliser, que ce n'est qu'une question d'ajustements, de réglages, d'un surcroît de développement, d'investissements, de travail et de police, d'art et de culture. Qu'en urbanisme et en architecture, par exemple, l'habitat réel par les habitants importe moins que les projets de l'urbaniste ou de l'architecte, voire ne compte pas du tout ; que l'observation de ce qui se développe, de ce qui vient en plus, peut se passer de tout ce qui n'est honnêtement visible, légitime, que cela n'aura aucune incidence sur le futur et sur l'environnement car n'étant pas prévu par la cohérence du projet ; que seul le futur projeté, prévu, voulu, entre en compte, et non les transformations induites par ce qui se développe dans le développement et qui demeure sans doute l'imprévisible.

Cela dans le même temps que le développement de la gouvernance même, qui entend prévoir les développements de ce qu'elle ne peut strictement dicter. Ainsi, dans la gouvernance à l'état pur, toute décision, tout désir, toute action, quelles qu'elles soient, sans être prévues en contenu, le sont en forme, et toute action des gouvernés, l'utilisation de leur liberté même, est une strangulation, une justification de la gouvernance, une acclamation de son pouvoir, montrant qu'il gouvernait même là où il ne s'exerçait pas encore. Comme si était citoyen qui répondait aux sirènes de ce méta-pouvoir, obéissait à ce pouvoir projeté, à cette matrice monstrueuse. Et cependant, elle ne peut encore tout prévoir, elle ne peut que phantasmatiquement exercer son emprise sur tout le territoire sur lequel elle exerce son emprise de droit. La gouvernance est une virtualisation de ce droit, et le droit est dans l'autre sens considéré comme virtuel, ce dont l'on peut même se convaincre par considération non généalogique mais au contraire rétrospective. Une manière de rendre improbable toute efficience, toute réalité, toute incorporation aux conditions réelles d'existence de ce qui se développe et n'est pas prévu par le projet politique. Tué dans l'oeuf, selon l'expression -- l'oeuf du projet virtuel. Qui installe la croyance et la peur et compte sur elles, comme ressorts de la confiance en lui pour s'exercer performativement ; la croyance en ce que rien d'autre n'advienne que ce qui est prévu, la peur que cela advienne, la confiance pour que rien d'autre n'advienne ; mais tout de même l'espoir que quelque chose d'autre advienne, comptant sur la force de ce pouvoir pour que ce soit intégré à lui ; qu'il croisse, donc, sans cesse, en même temps que toute nouveauté procède des marges de liberté prévues et inoffensives.

Une bulle virtuelle dont l'art et la culture seraient peut-être les ressorts ?...


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