dimanche, novembre 19, 2006

Film P comme personne

P comme personne
(Allemagne, 2005, 82mn)
RBB
Réalisateur: Erwin Michelberger


Adam compare sa façon de penser à celle de son père au milieu des années 70, quand il avait 25 ans comme lui. Deux visions très différentes mais toujours en butte à la culture du divertissement.

***




Pour tout héritage, Adam a reçu de son père disparu une caisse et la mention : "À ouvrir le jour où tu ne sauras plus comment continuer". L'occasion pour Adam de se demander ce que peut être aujourd'hui une vie réussie. Et de confronter son approche à celle de la génération de son père qui, voici une trentaine d'années, fréquentait l'académie des Beaux-Arts de Düsseldorf et sa scène radicale, sur laquelle planait, déjà, la figure mythique de Joseph Beuys. Les artistes de l'école se retrouvent ici pour parler de leurs idées et de leurs objectifs d'alors. Et de ce qu'il en est advenu. Adam, lui, explore son propre présent, réfléchit sur la communication, le corps, la sexualité... Deux générations, qui comprennent de manière très différente leur façon d'être dans la société.

Artistes scène de Düsseldorf.

L’une dit : nous étions ce que nous faisions. C’est ce que nous appelions « œuvre ». C’est notre âme.

Une autre dit : on tirait sur la même corde, en espérant qu’elle tienne, mais elle a lâché. La corde de notre réalité commune.

Un homme lui répond : tu as réalisé que tu allais mourir seule.

Mot allemand pour échouer scheitern, et en anglais to fail : l’un est un échec, la fin de tout, l’autre, l’anglais, nouvelle culture dit l’homme (qui vit aux USA et est sculpteur sur bronze), surtout possibilité d’un renouveau. Apparemment, ne pas échouer, en allemand, c’est être reconnu, avoir de la notoriété.

Ils se félicitent du bombardement américain en Irak. Le capitalisme, dit l’homme, n’a rien à voir dans tout ce qu’ils peuvent déplorer, par rapport au professorat, qu’ils dirigent des assistants et des élèves notamment, c’est juste que la sculpture sur bronze existe depuis trente mille ans, bien avant tout système économique, comme le capitalisme [qui se veut justement naturel, alors].

Le fils dit qu’à vingt ans il voulait construire quelque chose pour l’éternité, un château, et qu’après il s’est rendu compte que c’était illusoire. Etre social implique s’intégrer dans la société dans laquelle on a grandi, y vivre bien. Il avait une idée derrière la tête : faire le con et crever.

Un vieux dit que quand il n’arrive plus à organiser un flux d’informations sans coordination, quand il se perd, il peut perdre le sommeil. [c’est bien, qu’il y ait encore le flux d’informations]

[même en Allemagne après le nazisme ils croyaient encore à des grandes choses. nous depuis bien longtemps les structures horizontales ont remplacé les châteaux, depuis les années 70 justement. Le fils témoigne pour la génération d’après les années 80 ; celle des années 80 conciliait faire le con et crever à la construction de quelque chose pour l’éternité, et ils ont bien réussi les deux d’une certaine manière ; celle du fils vient après tout, tâche trop grande et en même temps au sein de l’insignifiant.]

L’aspect méta-technique, dont parle le vieux, qui est dissanateur. Elève de Beuys, il a retenu de lui de ne pas aller droit au but, parce que lui et les autres étudiants étaient trop attachés au superficiel. Dès que quelqu’un arrivait à soumettre une création à Beuys, il la déchirait en disant qu’il doit y avoir autre chose : c’est l’aspect méta-technique. [y’avait Beuys, et aussi Kricke, et d’autres]

Ils se sont quand même rendu compte, les vieux, que quand tu veux créer (c’est flagrant en dessin, dit le dessinateur) quelque chose contre une autre, tu reproduis la structure, l’agressivité, de celle-ci.

Dans la tête du sculpteur naissent sans cesse des images.

Ils disent des choses bien, les vieux, mais en tirent des conséquences pas toujours pertinentes, détournées. En partant d’une fois où ils ont essayé de détruire les Gobelins et d’autres vieilles œuvres dans un musée, que finalement seule une chaise baroque, dont un restaurateur étudiant a juste dit pétrifié « quelle belle chaise baroque », ce qui a ouvert les yeux de celle qui parlait de corde et qui pense avoir toujours échoué, un homme raconte à son tout une anecdote, qui est en fait celle que les américains se racontaient après le onze septembre, soit on était tranquillement à New York et des arabes sont venus foutre le bordel, alors j’ai dit non, non, et on doit apprendre aux enfants à faire la différence entre le Bien et le Mal.

Le fils est gigolo. Il se persuade que ce n’est qu’un jeu. Parfois il aime bien se faire exploiter, parfois il s’en fout. S’asseoir au coin et d’un bar avec un air gentil ou séduire quelqu’un pour coucher avec et se faire payer, c’est pareil pour lui.

Le mec avec New York débloque. Il faut pas se faire infecter. Jusque là je veux bien, encore que ça dépend comment ça tourne. Et bien ça tourne avec l’idéologie, après avoir parler de pensée, avec une citation du Coran et une autre de Mao interprétées à travers une grille idéologique, fatalement. Lui n’a pas compris qu’on était semblable à son ennemi.

Après il parle de Paik, celui qui a déballé un Christo je suppose. Venu de NY pour faire un film avec Beuys, qui n’était pas là. Alors il a pris son chapeau, c’est pareil. C’est comme ça qu’ils nous entubent, dit l’homme. technique de surcodage, quelque chose comme ça. Tu dis que ton chapeau c’est ton nom, je prends ton chapeau pour toi (car ton nom c’est toi hum). Comme tu emballes, moi je déballe, héhé. C’est à celui qui aura le dernier mot. Surtout avoir le dernier mot. Question de rapport de pouvoir et d’entrer dans l’histoire, on dirait. Culte de la feinte, mais au service de quoi ?

Voilà, c’est terminé. Une des dernières phrases du fils : je mange, je chie, je dors, c’est pas une vie que… celui qui l’interroge dit : j’ai bien l’impression de vivre, moi. Sourire du fils.

Conclusion sur ce film : il nous manque quelque chose à vivre en commun, un espace social digne de ce nom. C’est pas ces vieux qui l’ont construit. C’est pas leurs successeurs (Paik en exemple) qui y ont contribué, bien au contraire. Leurs enfants en subissent les conséquences. Nous, quoi.


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